2011-02-11 - Edito : L'origine apostolique du célibat du prêtre
Sous la plume de Benoît XVI, dans son exhortation apostolique sur l'Eucharistie ("Sacramentum Caritatis"), de février 2007, on relève ce passage : "Le fait que le Christ Lui-même, Prêtre pour l'éternité, ait vécu son ministère jusqu'au sacrifice de la croix dans l'état de virginité, constitue le point de référence sûr pour recueillir le sens de la tradition latine sur cette question du célibat du prêtre" (n. 24).
A moins de délaisser l'histoire pour devenir romancier, on peut affirmer que Jésus ne s'est pas engagé dans les liens du mariage et n'a pas fondé de famille. Voilà le point de référence sûr : le Christ a vécu dans le célibat.
Ce fait ne récuse pas pour autant la diversité des vocations. On voit en effet, dans l'Evangile, des disciples suivre Jésus sans partager totalement sa vie et sans adopter le même état de vie. On trouve même cet épisode où celui qui vient d'être délivré d'un démon par Jésus voudrait Le suivre, mais Jésus lui indique une autre voie : "Retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi." (Luc 8,39).
Cette diversité des appels se manifeste justement dans le choix des douze Apôtres. C'est avec eux que Jésus partage quotidiennement son existence. Il les instruit en les prenant à part, et c'est à eux seuls qu'il confie l'Eucharistie. Mais c'est aussi à eux qu'il va adresser cet appel à Le suivre en quittant tout. Un jour, Pierre est témoin du refus d'un jeune homme, trop riche pour suivre Jésus. L'Apôtre s'adresse alors à Jésus au nom des Douze :"Voilà que nous, en quittant tout, nous t'avons suivi". Jésus répond : "Personne n'aura quitté à cause du Royaume des cieux, une maison, une femme, des frères, des parents, des enfants, sans qu'ils reçoivent en ce temps-ci bien davantage et dans le monde à venir la vie éternelle." (Luc 18,28-30) Impossible d'éluder la référence à l'épouse. La Traduction ?cuménique de la Bible (TOB) commente : "L'amour de l'épouse doit lui aussi passer après l'amour du Christ".
L'Église ne demande le célibat que parce que le Christ et les Apôtres en ont posé les fondements et ouvert la voie
Face à cette invitation sans ambiguïté, les Apôtres n'ont pas pu ne pas s'interroger sur la forme nouvelle qu'allait prendre leur vie, eux qui, pour la plupart, étaient mariés. En effet, l'ultime appel de Jésus traçait devant eux un programme de vie si immense qu'il suffisait à remplir tout le reste de leur existence : "Allez dans le monde entier ; de toutes les nations, faites des disciples. Baptisez-les au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit." L'Esprit Saint, reçu à la Pentecôte, avait justement la mission, selon la promesse de Jésus, de leur rappeler "tout ce que Jésus leur avait dit" (cf. Jn 14,26). C'est ainsi que les Apôtres, en quittant leur maison et leur épouse, ont mis en application le message qu'ils avaient reçu du Christ ; toute la tradition le confirme. Aussi peut-on parler de l'origine apostolique du célibat.
Toutes les raisons que l'on avance communément pour justifier le célibat du prêtre ne peuvent équivaloir à celle des origines qui détient, à elle seule, une autorité souveraine et une force inégalable. Savoir que l'Église ne demande le célibat que parce que le Christ et les Apôtres en ont posé les fondements et ouvert la voie, est pour le prêtre d'aujourd'hui - comme pour celui d'hier et pour celui de demain - la source d'une joie immense. En vivant le célibat, il suit le Christ des origines, le Christ de l'histoire, et marche dans le sillage des Apôtres. Dans cette joie, il puise l'élan qui traverse tout son ministère. Cette forme de vie explique ce que Jean-Paul II disait de la charité pastorale : "C'est la vertu par laquelle nous imitons le Christ dans son don de soi et dans son service. Ce n'est pas seulement ce que nous faisons, mais c'est le don de nous-mêmes qui manifeste l'Amour du Christ pour son troupeau. La charité pastorale détermine notre façon de penser et d'agir, notre mode de relation avec les gens." (Pastores dabo vobis n. 23). Rappeler le sens apostolique du célibat et en montrer toute la vérité historique, c'est dresser le célibat sacerdotal comme une muraille contre laquelle viennent mourir toutes les objections.
Le travail savant du Père Christian Cochini, jésuite, aujourd'hui missionnaire en Chine, illustre cette vérité avec un rare bonheur. Le Cardinal de Lubac présentait ainsi son livre, résultat de longues années de recherches : "Cet ouvrage est de première importance. Rien ne peut lui être comparé, même de loin."
+ Père Guy Bagnard
Évêque de Belley-Ars