2009-02-20 - Edito : Le droit de vivre !
Qui n'a pas entendu parler de Jean Vanier, le fondateur de l'Arche ? Il offre un lieu familial pour ceux qui sont atteints de la trisomie 21 ? D'origine canadienne et officier de Marine, il vient en France en 1950 pour étudier la théologie ; sa rencontre avec le Père Thomas Philippe, qui s'occupe de personnes ayant une déficience intellectuelle, va changer le cours de sa vie. Il quitte une carrière brillante dans l'Université pour se mettre au service des "petits et des faibles". Désormais, sa vocation sera de recueillir et d'aimer ceux que la société montre du doigt. Il entraînera derrière lui des hommes et des femmes qui, comme lui, donneront leur vie au service des délaissés. Aujourd'hui, l'Arche compte 135 communautés dispersées en France et sur les cinq continents.
Jean Vanier - qui vient de fêter ses 80 ans - se trouve tout naturellement lié à un autre homme de grand renom décédé en 1994 : le professeur Jérôme Lejeune. On comprend sans peine leur lien. C'est que le professeur Lejeune a découvert en 1958 la première anomalie chromosomique chez l'homme : la trisomie 21. Appelée jusque là "mongolisme", cette maladie était regardée, à tort, comme un dégénérescence. Le jeune chercheur qu'est Jérôme Lejeune - il a alors 32 ans - montre qu'en fait, elle est due à la triple présence du chromosome 21. Sur cette nouvelle voie de recherche, il met en lumière le mécanisme de bien d'autres maladies chromosomiques. Il devient ainsi le Père de cette science alors inconnue que l'on appelle aujourd'hui la "génétique" !
Jérôme Lejeune n'avait qu'une préoccupation : parvenir un jour à guérir ces malades qui venaient le voir du monde entier. Il dira, à la fin de sa vie : "J'étais celui qui devait les guérir et je m'en vais avant d'avoir trouvé." Et, quelques jours avant sa mort, alors que, récemment, il avait été nommé par Jean-Paul II Président de l'Académie Pontificale pour la vie, il dira : " Je meurs en service commandé ."
Depuis, les événements ont pris une tout autre tournure. Au lieu de poursuivre les recherches sur la lancée de "l'inventeur", on préféra une autre voie : plutôt que de guérir ceux qui sont atteints de cette maladie, les faire disparaître !
En recourant au diagnostic prénatal, on peut en effet savoir si l'enfant est porteur de cette anomalie dans son patrimoine génétique. La découverte de Jérôme Lejeune, destinée à sauver le malade, est exposée à devenir le moyen de le tuer !
Et de fait, Jean Vanier, aujourd'hui, se demande s'il pourra demain encore accueillir les trisomiques dans les maisons de l'Arche, parce qu'ils sont de moins en moins nombreux. Non point parce qu'ils auraient été guéris, mais parce qu'ils sont supprimés avant leur naissance. Le plus souvent, ceux qui naissent ont échappé à une mort programmée ! Ce sont des rescapés !
Il se trouve que, parmi les cinq domaines qui sont aujourd'hui à l'étude pour préparer la future révision de la loi sur la bioéthique prévue à l'automne prochain, il y a celui de la médecine prédictive. Celle-ci consiste à "pouvoir annoncer un événement pathologique pouvant survenir chez un individu bien portant. Elle est fondée sur la notion de dépistage des personnes à risque..." Cette branche de la médecine permet donc d'indiquer, à l'avance, ceux qui sont plus exposés aux risques que d'autres ; et donc, si elle est utilisée sans discernement éthique, d'ouvrir la voie à l'eugénisme. N'auraient le droit de naître que ceux qui en auraient été jugés dignes ! Mais qui détient le droit de vie et le droit de mort sur un être humain ?
Le problème de "l'avenir de l'homme" et celui de "la société de demain" sont clairement posés ! Quels seront les critères qui permettront de faire vivre celui-ci et d'arrêter la vie de celui-là ? Qui tranchera ? De graves questions se posent - dont ne sont pas exclus les problèmes économiques ! En tout cas, les avancées scientifiques ne peuvent pas être les seules à trancher un tel débat !
Jérôme Lejeune a noté cette petite histoire : "L'un de mes amis, le professeur Varkani, qui enseigna l'embryologie à Cincinnati, m'a rapporté le fait suivant : "une nuit, celle du 20 avril 1889, mon père qui était médecin à Braunau, en Autriche, fut appelé pour deux accouchements. Pour l'un, c'était un beau petit garçon qui hurlait très fort ; pour l'autre, c'était une pauvre petite fille, elle était trisomique. Mon père a suivi la destinée de ces deux enfants. Le garçon a eu une carrière extraordinairement brillante ; la fille a connu un destin assez sombre. Et pourtant, quand sa mère fut atteinte d'hémiplégie, cette fille dont le quotient intellectuel était très médiocre, a tenu la maison avec l'aide des voisins, et elle a donné quatre ans de vie heureuse à sa mère grabataire. Le vieux médecin autrichien ne se souvient plus du nom de la petite fille. Mais il n'a jamais pu oublier le nom du petit garçon : il s'appelait Adolf Hitler."
Comment ne pas rendre grâce pour les découvertes du Professeur Lejeune et pour l'admirable don de soi de Jean Vanier et de ses frères et soeurs à l'Arche, au nom de leur Foi !
+ Père Guy Bagnard, Évêque de Belley-Ars
20 février 2009