2010-12-10 - Edito : Quel chemin pour l'humanité ?
Au moment de l'Angelus du 14 novembre dernier, le pape a invité très officiellement l'Église tout entière à s'unir dans une prière commune à l'intention des "la vie naissante". La sobriété de son intervention permet d'en faire la citation intégrale :
« Samedi prochain, 27 novembre, dans la Basilique Saint-Pierre, je présiderai les premières Vêpres du premier dimanche de l'Avent et une veillée de prière pour la vie naissante. Il s'agit d'une initiative commune avec les Églises particulières du monde entier et j'ai également recommandé aux paroisses, aux communautés religieuses, aux associations et aux mouvements d'y adhérer. Le temps de préparation à Noël est un moment propice pour invoquer la protection divine sur tout être humain appelé à l'existence, également comme remerciement à Dieu pour le don de la vie reçu de nos parents. »
La période de l'Avent est présentée comme un des moments les plus favorables de l'année pour soutenir cette grande cause. La liturgie de l'Avent, en effet, prépare les communautés à célébrer la naissance de Jésus ; elle tourne les regards vers le mystère de l'enfant à naître et vers celui de la mère qui attend sa venue. L'événement est si concret que toutes les familles de la terre se sentent en harmonie avec lui. La communauté catholique se trouve unie de la manière la plus naturelle qui soit, puisque la cause pour laquelle elle prie est liée à l'actualité du temps liturgique. Une telle initiative est sans doute appelée à se renouveler d'une année à l'autre au moment de l'Avent !
La façon dont la société traite l'embryon devient un signe du degré de civilisation
Pour nous, chrétiens de France, nous avons une raison de plus de relever ce défi puisqu'en ce moment-même ont commencé les travaux de la Commission qui, à l'Assemblée Nationale, va réfléchir sur les questions de bioéthique, en vue de la révision des lois, prévue fin janvier 2011. Après des mois d'échanges avec un grand nombre de groupes et d'associations, l'étape décisive est arrivée de la mise au point d'une proposition de loi soumise au Parlement. Le cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des Évêques de France, vient d'en rappeler l'échéance prochaine.
Parmi tous les problèmes soulevés par les avancées des sciences et le développement des techniques, il en est un, absolument majeur : l'embryon est-il un être humain ? Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour reconnaître qu'il s'agit bien d'un être humain. Car il est impossible de déterminer - dans le développement continu de l'embryon - la phase où il ne serait pas encore humain et celle où il le serait devenu ! Le fait s'impose au regard des scientifiques comme à celui des croyants.
Du seul point de vie de la morale naturelle, indépendamment d'une morale religieuse, on ne saurait accepter d'attenter à la vie d'un innocent sans défense, membre de la famille humaine. Comment pourrait-on en faire une simple marchandise ? Le Cardinal Vingt-Trois précise : « La façon dont une société traite le petit enfant qui est en cours de gestation, que l'on appelle l'embryon, va devenir un signe du degré de civilisation auquel elle est arrivée. Parmi les êtres humains, l'embryon est celui qui a le moins de défense, de force ou de moyen de s'imposer. La façon de le respecter, de le protéger et de lui permettre de se développer va donc symboliser l'humanité d'une société ou bien marquer sa régression vers la troupe animale. (...) On reconnaît la noblesse de l'espèce humaine à ce que les hommes peuvent respecter, protéger et défendre les plus faibles et les plus vulnérables d'entre eux. »
Le silence retentissant sur la nature de l'embryon conduit à nous faire croire au Père Noël
Au nom du simple réalisme, chacun d'entre nous reconnaît qu'en ses origines il a commencé par être lui-même un embryon. Qui pourrait découvrir, parmi les milliards d'humains sur la terre, celui ou celle qui ne serait pas passé par ce stade de développement ? Aussi, ne pas se prononcer sur notre identité première, c'est faire croire - comme on le disait autrefois aux enfants - qu'il est né d'une fleur, d'une rose, d'un petit ange qui serait venu le déposer dans le berceau ! Le silence retentissant sur la nature de l'embryon conduit à nous faire croire au Père Noël !
L'humanité est aujourd'hui affrontée à la redoutable menace de sa propre puissance. Le Cardinal Ratzinger écrivait dans un ouvrage sur l'Europe, en l'an 2004 : « Le principe qui a cours, maintenant, est que la capacité de l'homme soit la mesure de son action. Ce que l'on sait faire, on peut également le faire. » Or faire tout ce que l'on sait faire, et le faire parce qu'on sait le faire, est-ce le critère dernier de l'action humaine ? N'y a-t-il pas une différence à introduire dans la conduite humaine entre « faire ce que l'on peut faire » et « faire ce que l'on doit faire » ? Seul le critère éthique est capable d'indiquer cette différence. La science, elle, l'ignore, tout comme le monde de l'économie livré à la seule efficacité.
Face aux problèmes présents - aussi bien dans le domaine de l'écologie, que dans le domaine des spéculations financières ou dans le domaine de la bioéthique - l'homme, finalement, peut-il se conduire sans morale ? De cette réponse dépend l'avenir de l'humanité !
+ Père Guy Bagnard
Evêque de Belley-Ars