2010-09-10 - Edito : Au rendez-vous des urgences, la mission est la première invitée
Au mois de juin dernier a été créé à Rome un nouveau Conseil, le Conseil Pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. L'objectif assigné à cet organisme explique la raison de son existence. Il s'agit de : "Promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où une première annonce de la foi est intervenue et où il y a des Églises de fondation ancienne, mais qui vivent dans un contexte culturel de sécularisation de la société avec une sorte d'éclipse du sens de Dieu."
Si, au niveau de l'Église universelle, on juge nécessaire l'instauration d'un tel Conseil, c'est que l'on se trouve confronté à un phénomène d'un genre inédit et dont l'ampleur ne cesse de s'étendre. C'est évidemment dans les pays de longue tradition chrétienne, là où l'annonce de la foi remonte à des temps très anciens, qu'il est le plus manifeste. Dans ces pays, le christianisme a eu le temps, à la faveur des siècles, de laisser son empreinte sur le monde où il s'implantait. L'image évangélique du levain dans la pâte reste très parlante. La pâte finit par être transformée par le dynamisme du levain. En s'inculturant, le christianisme a engendré un terreau culturel et social qui s'harmonisait avec son esprit, entraînant une osmose entre lui et la société.
Au dix-huitième siècle, des bouleversements ont modifié cette donnée. Une fracture profonde et extrêmement brutale a introduit une dissociation entre foi chrétienne et vie en société. Deux mondes jusque-là reliés se sont séparés, vivant désormais l'un à côté de l'autre. Depuis, selon les circonstances, ils se rencontrent parfois et collaborent ; d'autres fois, ils entrent en conflit ouvert. Aujourd'hui, pour ne parler que des points de divergence, on pense, par exemple, aux nouvelles législations sur le mariage, sur la famille, l'avortement, l'euthanasie ; plus récemment on peut évoquer le repos dominical, l'identité nationale, l'immigration, etc. Le refus délibéré de mentionner les racines chrétiennes de l'Europe participe du même état d'esprit.
Nous sommes devant un fait historique dont il faut prendre acte. Inutile de s'enfermer dans la nostalgie d'un passé révolu et de plaider la cause d'une époque que l'on considérerait comme un idéal indépassable. L'Église, lit-on dans le Concile Vatican II, n'est liée à aucune forme particulière de culture, ni à aucun système politique, économique ou social (G.S. n. 42). Si l'on parle aujourd'hui de « nouvelle évangélisation », c'est précisément parce que l'on veut faire face avec réalisme à cette situation nouvelle. Il s'agit bien de l'Évangile de toujours, mais proposé à une société dont la configuration historique est inédite. A société nouvelle, évangélisation nouvelle ! Les chrétiens sont appelés à prendre la mesure de ce bouleversement profond !
Dans ce contexte, le premier effet dont la portée est considérable, c'est que la foi ne peut plus être une donnée purement sociologique, simplement portée par la structure sociale, sans participation clairement voulue de la personne. Dans une société qui l'ignore et parfois la combat, la foi ne peut être que le fruit d'un choix et d'une décision personnelle. Les évêques l'écrivaient dans la Lettre qu'ils adressaient aux catholiques de France en 1996 : « Au temps où l'Église faisait pratiquement corps avec la société globale, la transmission de la foi s'opérait d'une façon quasi automatique ; les mécanismes de cette transmission étaient d'ailleurs intégrés aux fonctionnements normaux de la société. Il était devenu difficile de vérifier l'adage selon lequel "on ne naît pas chrétien, mais on le devient". Aussi, en ces temps nouveaux, "l'exigence d'une appropriation personnelle de la Foi est devenue impérative. »
Dès lors qu'il y a « choix réfléchi » et « décision libre », il y a nécessairement « connaissance » et « attachement personnel » à Celui auquel on donne son adhésion, le Christ, centre de la foi. On voit combien le « choix personnel » et l'« attachement à la Personne du Christ » sont indissociables. Pour le croyant, le Christ est reçu avec le caractère unique qui lui donne une portée absolue et universelle ; il est le centre et la fin de l'histoire elle-même. Jean-Paul II disait même : « Le Christ est la réalisation de l'aspiration de toutes les religions du monde et, par cela-même, il en est l'aboutissement unique et définitif. » (Tertio Millennio n. 6) C'est parce que le chrétien est enraciné dans cette foi qu'il devient témoin et apôtre.
Nous voici au seuil d'une nouvelle année pastorale, elle se situe dans le prolongement des quatre précédentes, marquées par une volonté de renouveler l'évangélisation dans notre diocèse. Une question nous est adressée pour nous aider à mieux prendre en compte la pastorale « ordinaire ». Ici, c'est le mot « ordinaire » qui est important. Les « temps forts » sont sans doute nécessaires, mais rappelons-nous que l'un de leurs objectifs est de donner du relief au quotidien qui est, en définitive, ce qui nous est le plus habituel.
Comment insérons-nous l'Evangile dans ce qui fait la trame ordinaire de nos journées et comment le transmettons-nous ? En principe, il n'y a pas de moment où l'annonce du message chrétien devrait être absente de nos activités même les plus humbles. Ce qui suppose de notre part un regard constamment tourné vers le Christ, et une écoute permanente de son Esprit.
« Seigneur aide-nous à demeurer en Ta Présence, pour que nous soyons prêts, en toute circonstance, à Te donner à ceux qui nous approchent. »
+ Père Guy Bagnard, Évêque de Belley-Ars