2010-10-08 - Edito : CARITAS IN VERITATE — Diocèse de Belley-Ars

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2010-10-08 - Edito : CARITAS IN VERITATE



Il y a un peu plus d'un mois, le colonel Khadafi était de passage à Rome, où il était reçu par le Président italien Silvio Berlusconi, dans le cadre du traité d'amitié italo-lybienne. Sa déclaration n'est pas passée inaperçue : « L'Islam doit devenir la religion de toute l'Europe. » Faite au coeur de la Rome chrétienne, elle avait de quoi susciter l'émoi ! Les médias n'ont pas manqué de commenter ses propos. Un bon nombre les ont jugés sans portée véritable, tellement les écarts de langage sont familiers dans la bouche du responsable lybien. Comment, en effet, accorder crédit à des paroles aussi excessives et si contraires à la réalité ! Bref, des paroles sans lendemain !

Cette manière de juger, on la retrouve dans la lecture que l'on a faite de plusieurs assassinats d'évêques, de prêtres ou de chrétiens dans des pays musulmans. Chaque fois, dit-on, on serait en face d'actes isolés, commis par des malades ou des déséquilibrés. Il ne faudrait donc surtout pas les interpréter comme des actions d'ampleur, délibérément dirigées contre des communautés chrétiennes, symptômes prémonitoires de nouvelles guerres de religion !

Pourtant, des voix inquiètes commencent à s'élever. Laissons de côté les pronostics de Thilo Sarrazin, ancien dirigeant de la Bundesbank, qui annonce, dans un avenir proche, la soumission de la nation allemande à la loi islamique. Les forts relents d'antisémitisme de sa pensée déconsidèrent l'ensemble de ses analyses et leur enlèvent une bonne part de leur crédibilité.

Mais comment rester insensible à ce que vient d'exprimer, par exemple, Tony Blair, l'ex premier ministre britannique, lors de son interview du 5 septembre dernier ? « L'islamisme, déclare-t-il, est bien plus enraciné qu'on ne le pense. Il ressemble fortement au communisme révolutionnaire. Ses racines sont profondes, ses tentacules sont longs e son interprétation de l'Islam est bien plus enracinée qu'on ne le pense... Si ceux qui ont perpétré les attentats du 11 septembre 2001 avaient pu tuer 30 000 ou 300 000 personnes, ils l'auraient fait. »

La projection sur les écrans du beau film "Des hommes et des dieux", souligne avec bonheur la bonté de ces sept moines qui veulent imiter jusqu'au bout l'Amour de leur Maître, en renonçant consciemment à répondre à la violence par la violence. Le film tout entier respire l'esprit de l'Evangile :

  • respect de la conscience personnelle des moines ;
  • fermeté de leur décision ;
  • imitation, jusqu'à l'extrême, du Maître que l'on sert ;
  • Amour de tous les hommes, sans distinction, reçus comme des frères des mains du Christ qui nous les donne !
  • Ne tenons pas pour rien la différence chrétienne qui a façonné l'Europe.

Le dialogue entre croyants doit être mené avec toutes les exigences qu'appelle la vérité

C'est bien dans cet esprit que nous sommes appelés à oeuvrer. L'affrontement entre croyants ne sera jamais une solution. Une guerre ne fait qu'entasser des cadavres ! Mais il est de première urgence que le dialogue entre croyants soit mené avec toutes les exigences qu'appelle la vérité ! De fait, il y a des points qui troublent profondément la conscience des chrétiens... et même de ceux qui ne le sont pas ! Ainsi, par exemple, dernièrement, Mgr Bishoy, secrétaire du Saint Synode de l'Eglise copte, en Egypte, a émis l'hypothèse que certains versets anti-chrétiens du Coran auraient pu être ajoutés après la mort de Mahomet, par l'un de ses successeurs. La raison d'une telle hypothèse est facile à comprendre : l'existence des chrétiens est affrontée quotidiennement à toute sorte de difficultés qui vont des vexations liées à l'état de dhimmitude jusqu'à la menace de leur propre vie. Or, bien des croyants de l'islam s'appuient sur la lecture du Coran pour justifier leur comportement vis à vis des chrétiens. On s'interroge : le texte fondateur de l'Islam peut-il être la source qui inspire de tels gestes ? Pour l'Islam, l'hypothèse de l'évêque est un véritable blasphème, car tout le Coran est parole incréée de Dieu. La suggestion de l'évêque a suscité une polémique si vive que le Gouvernement s'en est mêlé, par la voix du vice-ministre des biens religieux qui a déclaré dans un communiqué : « La foi des musulmans constitue une ligne rouge qui, en aucun cas, ne peut être discutée par un non musulman. »

On voit sur ce fait d'actualité combien, dans l'Islam, « la nation » et « la religion » forment un tout indissociable et comment « le dialogue » peut être brutalement et unilatéralement interrompu sans explication !

Le sort réservé aux musulmans convertis au christianisme renforce ce malaise. Le cas tout récent de Joseph Fadelle - rapporté dans son livre : "Le prix à payer" - est exemplaire. Impossible pour lui et sa femme de demeurer dans leur pays, l'Irak, après leur conversion.

Et ce n'est pas seulement le converti qui craint pour sa vie, mais aussi le « baptiseur » qui craint pour la sienne. En effet, personne, en Irak, n'a voulu prendre la responsabilité de les baptiser. Pourquoi ? Parce que la peur s'est installée ; elle oriente tout le comportement. Comme un vêtement, elle enveloppe toute la vie en société, ne laissant aucune liberté !

Ne tenons pas pour rien la différence chrétienne qui a façonné l'Europe

Ce constat n'est pas destiné à souffler inutilement sur le foyer d'un nouvel incendie. Il rappelle des faits qui soulèvent la grave interrogation de l'exacte identité de l'Islam et des conséquences qu'il engendre dans la vie des hommes. Où trouver le véritable Islam ? A cette interrogation, qui pourra répondre, car la question de l'autorité de celui qui peut donner une authentique lecture du Coran n'obtient pas de réponse claire ? Alors, à quel magistère se confier ?

Nous devons donc continuer de rappeler les points névralgiques : nécessité de ne pas se servir du nom de Dieu pour se livrer à la violence, reconnaissance de la parité entre hommes et femmes, égalités des droits pour les non musulmans vivant en terre d'Islam, liberté religieuse, droit de changer de religion...

Aussi, face à la déclaration du Colonel Khadafi, nous ne pouvons pas laisser croire que le christianisme serait définitivement dépassé. René Rémond écrivait en 2005 : « Ne tenons donc pas pour rien la différence chrétienne qui a façonné l'Europe. C'est ce continent qui a inventé les droits de l'homme et expérimenté la liberté de conscience. C'est en Europe que les chrétiens ont été conduits à faire avec d'autres l'expérience du pluralisme, à relever le défi de la laïcité militante et à reconnaître la légitimité de la liberté de conscience. Il est faux de prétendre que l'Eglise n'aurait évolué que par opportunisme, pour de simples raisons de stratégie ou de circonstance : car il s'agit bien d'un choix théologique et spirituel, témoignant du lien intrinsèque de la foi chrétienne avec la liberté. »

Dans ces conditions, l'Islam ne pourrait-il rien apporter de bon ? Si, et sur un point décisif ! Au sein d'une société qui se ferme sur elle-même et qui s'organise sans Dieu, l'Islam rappelle l'absolue nécessité de la verticalité dans une vie humaine ! Benoît XVI, lors de son voyage en Grande Bretagne, déclarait devant le Parlement britannique : « Je voudrais suggérer que le monde de la raison et celui de la foi, le monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse reconnaissent qu'ils ont besoin l'un de l'autre, qu'ils ne doivent pas craindre d'entrer dans un profond dialogue permanent, et cela pour le bien de la civilisation. »

En somme, chrétiens et musulmans peuvent dire ensemble : « L'homme ne peut vivre sans Dieu ! »

+ Père Guy Bagnard
Evêque de Belley-Ars