2011-10-14 - Edito : Vive la famille !
La vie familiale vient d'être défendue dans notre département par un biais assez inattendu, celui du procès qui opposait depuis deux ans trois salariés au supermarché « E.D. » d'Oyonnax. Ils avaient été licenciés parce qu'ils avaient refusé de travailler le dimanche.
Le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Créteil, prononcé il y a une quinzaine de jours, a estimé que le licenciement était abusif car le contrat de travail ne prévoyait pas le travail le dimanche.
L'avocate des trois salariés à insisté sur l'importance du dimanche pour la vie familiale, d'autant qu'ils travaillaient déjà le samedi. Qu'une mère de famille soit absente le jour où le mari et les enfants sont à la maison porte un coup sévère à l'équilibre et à l'harmonie de la famille tout entière. Si parents et enfants ne peuvent pas être ensemble au moins le dimanche, alors qu'en semaine le rassemblement des membres de la famille est souvent difficile, comment continuer à regarder la cellule familiale comme le lieu privilégié où l'être humain peut grandir et s'épanouir ! Le bon sens le commande : la société se doit d'offrir les conditions qui permettent à cette même société de préserver son propre avenir ! Car, que devient l'espace social quand la famille se désagrège ? Quel avenir pour une société où ce qui la constitue dans son fondement est mis en danger !
Que devient l'espace social quand la famille se désagrège ?
On peut donc se féliciter de la conclusion de ce jugement. Par contre, d'autres faits d'actualité soulèvent de vives inquiétudes. Récemment, dans un collège, une enseignante, habituellement proche de ses élèves, découvre qu'une jeune de sa classe attend un enfant. La jeune fille lui avoue sa profonde détresse. La solitude dans laquelle elle se trouve l'écrase littéralement. L'enseignante, en accord avec elle, se propose d'en parler à sa maman pour briser le mur du silence et entrevoir ensemble comment faire face à la situation. Le Planning familial, prévenu par d'autres voies, intervient et demande que la loi soir respectée. En effet, la majorité sexuelle, fixée dans notre pays à 15 ans, permet à la jeune fille - qui a justement cet âge - d'être totalement indépendante de ses parents. En ce domaine, elle peut conduire sa vie comme elle l'entend. Certes, sur le plan civil, elle est mineure, donc sous l'autorité parentale, mais sur le plan sexuel, elle est majeure, car la loi estime qu'à cet âge on est adulte, c'est-à-dire que l'on peut donner un consentement à une relation sexuelle en pleine conscience et donc en totale liberté ! Les parents ne peuvent donc pas intervenir dans la vie privée de leur fille. L'élève doit faire face seule, dans un secret partagé seulement avec l'infirmière et le médecin, c'est-à-dire avec un personnel administratif, donc dans un contexte très impersonnel ! C'est la solution que la législation présente comme moyen pour lutter contre la montée du nombre des avortements chez les « mineures ».
Soutenir la famille dans sa mission éducative
On devine sans peine les conséquences qu'entraîne cette façon de traiter la situation. Il n'y a pas meilleur moyen pour instaurer une distance entre parents et enfants. Cette jeune qui vit au milieu de ses frères et soeurs, dans un contact quotidien avec son père et sa mère, s'installe dans la dissimulation et le secret sous la couverture d'une loi qui lui ouvre, dès son jeune âge, la voie d'une vie radicalement indépendante. À l'âge où l'adolescent n'est pas encore un adulte, il se sent établi par la loi dans une liberté qui, d'une part l'isole des siens et, d'autre part, lui offre la possibilité de toutes sortes d'expériences, à l'abri des regards. Bref, il se sent conforté à vivre sa liberté sur le mode d'une « liberté libertaire » ! N'est-ce pas réduire la famille à n'être qu'un lieu où l'on trouve une table pour se nourrir et un lit pour dormir, un espace où les membres vivent les uns à côté des autres sans rencontre véritable ; chacun, très tôt, doit se débrouiller seul, comme il le peut, en dehors de ses proches. Quel modèle familial garderont ces jeunes quand, à leur tour, leur naîtront des enfants au sein d'un foyer ! La famille risque de n'être qu'un contrat établi entre des êtres qui vivent entre eux pour un temps par la force des circonstances. La famille - vue comme « simple institution contractuelle » - est une tendance qui s'affirme de plus en plus dans les esprits. Ce mouvement semble s'installer aux Etats-Unis !
Voilà qui nous invite à beaucoup ?uvrer pour soutenir la famille dans sa mission éducative. Pour cela, nous devons être convaincus, en premier lieu, qu'elle est le lieu par excellence où se construit la personnalité profonde de ses membres. Elle est l'espace unique où s'élabore et s'édifie la maturité affective dont la condition première est que chacun se sente aimé, qu'il puisse s'ouvrir dans la confiance et, en même temps, qu'il se sente respecté dans son intimité.
La famille, lieu d'humanisation et de transmission de l'amour
L'Église prend en compte les difficultés actuelles de la famille. En France, l'Assemblée des Évêques a voulu faire de 2011 une année pour « valoriser la famille » comme lieu d'humanisation et de transmission de l'amour. Comme le Christ écoutant les pèlerins d'Emmaüs, l'Église cherche à connaître les questions des familles d'aujourd'hui pour leur apporter les réponses de l'Évangile. À Rome, le Conseil pontifical pour la famille prépare déjà la septième Rencontre mondiale des familles, prévue à Milan du 30 mai 2 juin 2012 sur le thème : « la famille : le travail et la fête. » Dans l'invitation à ce Congrès, on peut lire ces paroles du Pape Benoît XVI : « Les Saintes Ecritures (cf. Gn 1-2) nous disent que famille, travail et jours fériés sont des dons et des bénédictions de Dieu pour nous aider à vivre une existence pleinement humaine... De nos jours, l'organisation du travail, pensée et réalisée en fonction de la concurrence du marché et du plus grand profit, ainsi que la conception de la fête comme occasion d'évasion et de consommation, contribuent à désagréger la famille et la communauté, et à diffuser un style de vie individualiste. Il faut donc promouvoir une réflexion et un engagement visant à concilier les exigences et les temps de travail avec ceux de la famille et à récupérer le sens véritable de la fête, en particulier du dimanche, jour du Seigneur, jour de l'homme, jour de la famille, de la communauté, de la solidarité".
+ Père Guy Bagnard
Évêque de Belley-Ars