2010-06-11 - Edito : S.D.F. pour une quinzaine !
C'est vers les marcheurs que se sont tournés les regards de beaucoup de chrétiens durant la quinzaine de l'évangélisation. L'itinéraire suivi depuis Ars, jusqu'à Belley, avec un arrêt chaque soir dans une paroisse, a suscité partout un certain émoi. La calèche et le cheval n'y étaient pas pour rien. On sortait de l'ordinaire ! Les marcheurs en ont fait l'expérience. Les rares fois où ils ont été obligés de se séparer de l'attelage - parce qu'il fallait ferrer la bête - ils redevenaient alors de simples "randonneurs" comme on en rencontre beaucoup dans les grands espaces de l'Ain. Et, de fait, un randonneur, généralement, ne suscite guère de curiosité ; on le croise, on le salue... et on continue sa route ! Mais avec la calèche et le cheval, alors l'étonnement s'éveillait, surtout avec le grand panneau au dos de la calèche, représentant la croix de l'évangélisation et, sur le côté l'inscription : "Marche de l'Evangile - Belley-Ars - Evangélisation ? 2011". Alors les questions surgissent. Et, le soir, à l'arrivée de l'étape, dans le village prévu, c'était la fête ! L'intérêt était palpable !
Voilà qui nous montre l'importance et la place de "l'étonnement" dans l'évangélisation ! Il en va ainsi dans tous les domaines. Les enseignants le savent : l'étonnement est le chemin idéal par lequel se transmet un savoir. Le plus enseignable des élèves est celui qui a la plus grande capacité de s'étonner ! L'étonnement crée la perméabilité. Il rend poreux. Il soulève l'attention et ouvre l'esprit. L'enjeu est là : il faut parvenir à faire une brèche dans le mur de l'indifférence !
Dans une paroisse parisienne, lors de la Toussaint 2004, quelques Pères franciscains étaient venus avec un âne ; les après-midi de la semaine de la mission, l'un d'entre eux déambulait sur les larges trottoirs de la capitale. Il fallait voir le spectacle. Le Père, en grande bure franciscaine, marchait à côté de l'âne qu'il tenait par la bride. Il souriait, disait bonjour, faisait un geste d'amitié. Tout le monde se retournait, puis s'arrêtait. Les enfants s'agglutinaient et, en quelques instants, le padre avait autour de lui un auditoire bien plus fourni que celui qu'il avait le dimanche à la messe. L'effet produit était si fort qu'il fallait réguler la circulation ! Ça bouchonnait ! Et alors le fils de saint François parlait de Jésus, du pardon, de l'humilité et l'impressionnant, c'est qu'on l'écoutait tandis que les voitures roulaient à vive allure sur l'avenue. Merveilleux moment où la Parole de Dieu survient au beau milieu de la vie de tous les jours ! Il s'agit de surprendre, d'étonner... d'étonner sans agresser !
Curieusement, c'est cette atmosphère de "surprise" qui se retrouve dans bien des lettres émanant des adultes qui demandaient cette année le baptême ou la confirmation. J'en ai été plus spécialement frappé du fait que la marche de l'évangélisation s'achevait à la cathédrale de Belley, le jour de la Pentecôte, avec la célébration des confirmations d'adultes. Toutes les lettres des confirmands faisaient état d'un ou de plusieurs événements qui, dans leur vie, avaient éveillé un étonnement, soulevé une interrogation et avaient été au point de départ d'un itinéraire débouchant sur la demande du sacrement. Cet itinéraire avait été jalonné de joies, de moments de paix, mais aussi d'épreuves entraînant des luttes intérieures, pour finir par un aveu paisible et joyeux : "Oui, Seigneur, je te laisse entrer dans ma vie."
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Un autre événement avait lieu, loin de là, au Brésil, où notre diocèse était présent grâce au reliquaire du Saint Curé d'Ars qui avait été demandé par les évêques à l'occasion du Congrès eucharistique national organisé pendant l'année sacerdotale.
Dans cet immense pays, 17 fois plus grand que la France, le nombre des diocèses avoisine les 400 ; et ils sont tous d'une étendue bien supérieure aux nôtres. A plusieurs reprises, le reliquaire a été porté solennellement dans de grandes assemblées liturgiques. Mais le moment peut-être le plus significatif a été le chant des laudes, le dimanche matin 16 mai, à la cathédrale de Brasilia, présidées par le Cardinal Claudio Hummes, Préfet de la Congrégation pour le Clergé, en présence de près de 500 évêques et de plusieurs milliers de prêtres ! La relique du Saint Curé d'Ars a été vénérée dans un grand recueillement. A la Messe qui a suivi sur l'Esplanade des Ministères, ont participé au moins 50.000 fidèles. La présence de notre diocèse là-bas, alors que nous étions engagés ici dans un moment pastoral important, était le signe que nous acceptions de nous ouvrir à l'Eglise universelle et à partager notre amitié avec d'autres diocèses lointains.
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Cette quinzaine de l'évangélisation a beaucoup sollicité l'équipe des marcheurs... mais aussi bien des paroisses qui sont entrées dans cette aventure. Une question reste posée à la conscience de chacun, une question qui devient une interpellation directe, presque brutale : quelle dimension évangélisatrice donnes-tu à ta vie chrétienne ? Dans tes paroles, dans tes actes ? Que tu sois prêtre, religieux ou religieuse, fidèle laïque, homme ou femme, jeune ou aîné ?
L'aventure diocésaine, commencée il y a cinq ans, repose sur cette conviction de fond : une vie chrétienne qui ne transmet pas sa foi est sur le chemin du déclin. Car la foi se fortifie quand elle se donne. Aussi, les marcheurs qui ont été, pendant quinze jours, des "Sans Domicile Fixe" étaient, en fait, des "Serviteurs De la Foi", au nom du Christ. Soyons donc tous, dans ce même sillage, des S.D.F. audacieux et convaincus !
+ Père Guy Bagnard
Évêque de Belley-Ars