2011-04-19 - Homélie pour la Messe Chrismale — Diocèse de Belley-Ars

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2011-04-19 - Homélie pour la Messe Chrismale

Homélie pour la Messe Chrismale Mardi Saint 19 Avril 2011 - Abbatiale St Michel de-Nantua

Année après année, cette même séquence évangélique est offerte à notre méditation, le jour de la Messe Chrismale.. Elle nous transmet la prédication de Jésus dans la synagogue de sa jeunesse, au cœur du village de son enfance. Il se sent chez lui, ce qui, peut-être, le conduit à révéler le cœur de sa Personne, le secret de son identité, tout en sachant qu'un prophète n'est jamais bien reçu chez lui !

Un maître-mot ressort de son commentaire des Saintes Ecritures. Un mot-clé qui fait surgir du passé les paroles du prophète Isaïe pour les mettre au présent : "aujourd’hui". "C'est aujourd'hui que s'accomplit cette parole de l'Ecriture".

Nous, prêtres, nous sommes particulièrement à l'écoute de cet adverbe de temps ; nous le recevons avec une attention toute spéciale parce que, comme prêtres, nous participons à l'aujourd'hui de Jésus. C'est par notre ministère que l'aujourd'hui de Jésus se poursuit dans le temps! Il reste actuel indéfiniment.

Les sacrements que nous célébrons donnent aux hommes d'aujourd'hui le Christ aujourd’hui. Ce n'est donc jamais le Christ des temps anciens que nous apportons, mais le Christ qui demeure jeune parce qu'il rejoint aujourd'hui chaque homme sur sa route. Le Curé d’Ars avait des mots tout simples pour le dire : "Si nous n'avions pas le sacrement de l'Ordre, nous n'aurions pas notre Seigneur"... "Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur ne serviraient de rien".

C'est en raison de cette mission du prêtre - qui permet au Christ d'être contemporain de tout homme et qui fait de l'Evangile un livre perpétuellement présent, sans aucune barrière de temps et d'espace - que le Pape Benoît XVI avait réuni les évêques de France à Lourdes, le 14 septembre 2008, et leur avait dit, dans l'hémicycle Sainte Bernadette :

"On ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à l'Eglise dans l'intérêt même du laïcat. Le prêtre sont un don de Dieu pour l'Eglise. Les prêtres ne peuvent déléguer leurs fonctions aux fidèles en ce qui concerne leurs missions propres. Chers frères dans l'épiscopat, je vous invite à rester soucieux d'aider vos prêtres à vivre dans une union intime avec le Christ. Leur vie spirituelle est le fondement de leur vie apostolique. Vous les exhorterez avec douceur à la prière quotidienne et à la célébration digne des sacrements, surtout de l'Eucharistie et de la Réconciliation. Tout prêtre doit pouvoir se sentir heureux de servir l'Eglise. A l'école du curé d’Ars, fils de votre terre et patron de tous les curés du monde, ne cessez pas de redire qu'un homme ne peut rien faire de plus grand que de donner aux fidèles le corps et le sang du Christ, et de pardonner les péchés. Cherchez à être attentifs à leur formation humaine, intellectuelle et spirituelle et à leurs moyens d'existence. Essayez de les rencontrer régulièrement et sachez les recevoir comme des frères et des amis. Les prêtres ont besoin de votre affection, de votre encouragement et de votre sollicitude. Soyez proches d'eux et ayez une attention particulière pour ceux qui sont en difficulté, malades ou âgés. N'oubliez pas qu'ils sont, comme dit le Concile Vatican II, reprenant la superbe expression utilisée par Saint Ignace d’Antioche aux Magnésiens, "la couronne spirituelle de l'Evêque".

Cet appel de Benoît XVI garde toute sa force, surtout le jour d'une Messe Chrismale. C'est bien l'occasion de redire la place inégalable qu'occupe le ministère ordonné -prêtre et diacredans la mission de l'Eglise ; c'est aussi pour l'Evêque l'occasion de reconnaître ce qu'il n'a pas fait, ou mal fait, au service des prêtres et des diacres; ce qu'il aurait pu mieux apporter dans l'écoute ; ce qu'il aurait pu mieux donner dans certaines circonstances difficiles ou offrir comme soutien en des moments d'hésitation ou de découragement. Ce qui est sûr, c'est qu'au milieu de ces manques, jamais n'a été diminuée chez lui la conscience vive du caractère absolument irremplaçable Du prêtre. Né dans le cœur du Christ et institué à la première Eucharistie :"Faites cela en mémoire de moi", le ministère ordonné appartient au fondement de l'Eglise, et l'évêque -dans sa charge - ne peut se concevoir en dehors de ce que le concile Vatican II appelle "ses collaborateurs avisés", c'est-à-dire ses proches compagnons, ses frères dans l'accomplissement de la mission.

C'est pourquoi aussi l'évêque souffre avec eux quand il les voit moins nombreux, obligés d'élargir leur champ d'action et de porter une tâche plus lourde. Mais par contre, il se réjouit quand parfois il peut lire certaines descriptions sous la plume des romanciers contemporains, comme par exemple celle de Michel Houellebecq qui écrit dans un de ses derniers romans (La carte et le territoire) :

"Les prêtres, ces hommes qui, chastes et dévoués, de moins en moins nombreux, sillonnent les métropoles pour y apporter le réconfort de leur foi ... Humbles et désargentés, méprisés souvent, soumis à tous les tracas de la vie, sans avoir accès à aucun des ses plaisirs, les prêtres constituent, pour ceux qui ne partagent pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible".

Mais c'est peut-être par ce biais "déroutant" que le prêtre fait lever le plus sûrement certaines interrogations et amène les esprits à se tourner vers l'essentiel. C'est dans ce qu'il a de différent qu'il surprend ; vivre et penser comme tout le monde, faire ce que tout le monde fait n'apporte rien et laisse indifférent. A maintes reprises, Benoît XVI l'a dit aux évêques d'Autriche, du Brésil, d'Allemagne, d'Irlande :

"Nos contemporains, quand ils nous rencontrent, veulent voir ce qu'ils ne voient nulle part ailleurs, c'est-à-dire la joie et l’espérance qui découlent du fait de demeurer avec notre Seigneur ressuscité".

Il nous revient à nous prêtres, de donner à ce maître-mot du Christ :"aujourd'hui"- "aujourd’hui le Christ continue son œuvre de salut" - Il nous revient de renouveler toute la force de ce mot dans notre ministère.

Newman, cette grande figure du prêtre du 19ème siècle, récemment béatifié et qui a été notre guide pendant notre dernière retraite diocésaine à Chateauneuf-de-Galaure, résumait ainsi une des convictions les plus enracinées dans sa vie :

"Dieu m'a créé pour un service précis. Il m'a confié un travail qu'il n'a confié à personne d'autre. J'ai une mission. Dieu ne m'a pas créé pour rien. J'exécuterai la tâche qu'il m'a confiée. je le servirai à la place qui est la mienne".

A cette conviction qui l'a toujours habité s'ajoute une découverte qui a bouleversé sa vie. Jusqu'alors, comme la plupart des hommes de son temps, il estimait que ce qui était réel, c'est ce qui est matériellement saisissable. Le réel, ce sont les choses qui peuvent se toucher, se calculer, se voir, se prendre en main. Mais il a eu la clairvoyance, à un moment donné, que ce qui est vraiment réel, ce qui compte, c'est l'être spirituel de l'homme, ce que nous appelons "l'âme", faite à l'image de Dieu. Ce qui jusqu'alors lui était apparu comme sans importance, parfaitement secondaire, devient ce qui est décisif, déterminant.

De cette découverte, nous en avons aujourd'hui comme un témoignage quand nous rencontrons des catéchumènes. On peut en faire aussi l'expérience dans la cellule d'un prisonnier, au pied du lit d'un malade, d'un accidenté, d'un handicapé. Sans ignorer l'importance des conditions matérielles, nécessaires à une vue décente, il reste que l'être intérieur, c'est sans conteste-ce qui est décisif dans l'homme. Nous n'avons pas pu nous-mêmes nous acheminer vers l'Ordination sans avoir fait cette expérience de la place décisive de l'intériorité car comme l'écrit la Cardinal Suhard dans sa lettre "le prêtre dans la cité" :

"le prêtre est le défenseur né des intérêts de Dieu. Toute sa vie est spécialisée, déterminée à promouvoir son règne dans le cœur des hommes... Sa mission n'est pas une simple philanthropie ; elle est éminemment théologale" p.30. "Tout ce que je fais, je le fais pour la gloire de Dieu", écrit Saint Paul.

Le dernier aspect souligné par Newman, directement lié à la condition du prêtre, se trouve dans une de ses prédications ; il s'adresse à ses paroissiens de Littlemore :

"Si les anges avaient été prêtres, ils n'auraient pas pu souffrir avec nous, avoir de la sympathie pour vous, éprouver de la compassion pour vous, sentir de la tendresse envers vous et se montrer indulgents avec vous comme nous, ils n'auraient pas pu être vos modèles et vos guides et n'auraient pas pu vous amener à sortir de vous-mêmes pour entrer dans une vie nouvelle, comme le peuvent ceux qui viennent du milieu de vous".

Comment ne pas en tirer les conséquences pour nous-mêmes ? Ce que nous sommes, grâce à notre humanité nous établit dans une proximité avec tous. Cette proximité a un prix : la renonciation à nos particularités propres ; il s'agit de ne pas imposer nos goûts personnels, nos désirs ou nos affinités trop liées à notre sensibilité ; nos choix pourraient être parfois téléguidés par les humeurs du moment. Bref, le ministère, parce qu'il s'adresse à tous, nous appelle souvent à nous mettre entre parenthèses pour mieux faire percevoir ce qui ne vient pas de nous : la foi des saints et la pensée de l'Eglise. Cette attitude pastorale nous conduit en même temps à épouser la culture - parfois la langue - du peuple au service duquel est destiné notre ministère. A la fois "renoncer" à ce qui nous est propre et nous "enrichir" de ce qui vient de l'autre, sans pour autant gauchir la vérité du Christ !

Cette proximité avec tous trouve un point d'application immédiat dans les liens entre confrères ! A ce propos, il faut nous rappeler les commentaires dont Jésus accompagnait la parabole du berger et des brebis. Lorsque le loup s'introduit dans la bergerie, il ne les dévore pas mais, dit Jésus, il les disperse ! Le loup a la hantise de voir le troupeau se rassembler dans l'unité. Combien en va-t-il de même quand il voit les prêtres, chargés du soin de la bergerie, vivre entre eux dans une profonde unité ; les voir conjuguer leurs efforts plutôt que de se neutraliser eux-mêmes dans des actions contraires le met en fureur parce que l'unité est la voie la plus assurée pour la mission !

Cette unité entre prêtres allège considérablement le ministère de chacun. Elle le fait porter à la manière dont le paralytique, nouvellement guéri, portait son brancard. Les Autorités religieuses lui intiment l'ordre de le laisser sur place, parce que c'est le jour du sabbat. Mais, pour lui, transporter son brancard, ce n'est pas une charge ! Au contraire, c'est un triomphe ! C'est la preuve qu'il est guéri ! C'est la démonstration qu'il peut se servir de tous ses membres ! C'est la joie débordante d'un événement qu'il n'espérait pas ! C'est le trophée de la victoire. Ainsi de notre ministère : joie de savoir que, par lui, nous sommes à notre véritable place ! Le Seigneur nous a appelés pour ce service ! Le Pape Jean-Paul II l'exprimait dans sa Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint 1979 : "Le don de la plénitude sacramentelle du sacerdoce est plus grand que toutes les fatigues et même toutes les souffrances liées à notre ministère pastoral dans l'épiscopat". Je voudrais vous laisser une dernière pensée de Newman. Elle nous invite à aller toujours plus avant sur ce chemin du don de soi dans notre ministère : "La croissance, disait-il, est l'unique preuve de la vie". Soyons donc des prêtres vivants !

† Père Guy Bagnard

Évêque de Belley-Ars