2011-11-14 - Edito : Mgr Bagnard revient sur le cinquantenaire de Vatican II
Au lendemain de l'Assemblée des Evêques à Lourdes, où une foule de sujets ont été abordés, on n'a que l'embarras du choix, chers auditeurs de RCF, pour alimenter cette émission "Parole aux Eglises". Tant de choses seraient à dire !
J'ai retenu le cinquantenaire du Concile Vatican II, cet événement si capital dans la vie de notre Eglise contemporaine. Les Evêques ont décidé qu'une rencontre aura lieu à Lourdes, les 24 et 25 mars prochains, pour donner du relief à cet anniversaire. Des délégations venant de tous les diocèses de France sont invitées à y prendre part.
Depuis cinquante ans, le Concile a donné lieu à des interprétations fort diverses. Je les résumerais en deux grands courants.
- Le premier émane des groupes qui se rattachent à Mgr Lefebvre, à la Fraternité Saint Pie X. Selon cette interprétation, le Concile a rompu avec la tradition séculaire de l'Eglise ; il a modifié le contenu de la foi de toujours.
- Le second provient de groupes diversifiés, donc moins identifiables mais non moins actifs ; avec le Concile, ils voient l'arrivée d'un nouveau printemps de l'Eglise, qui ouvre une voie inédite face à un passé définitivement révolu !
Ces deux interprétations semblent à première vue s'opposer totalement.
- En effet, les premiers regardent le Concile comme une catastrophe ; il suffit, disent-ils par exemple, de dégager la pensée que développe le Concile à propos du dialogue interreligieux, ou de ce qu'il dit de la liberté religieuse, ou bien encore de ce qu'il a fait de la liturgie, etc. Il faut donc rebrousser chemin, retrouver la saine doctrine de l'Eglise de toujours !
- Les seconds, au contraire, regardent le Concile comme un bienfait sans égal qui marque une avancée inédite par rapport au passé. Il s'agit maintenant de poursuivre sur cette lancée. Non pas revenir en arrière, mais aller de l'avant ; franchir le pas qui va des "textes effectifs" à "l'esprit" qui les anime. Par ce biais, s'ouvre un espace immense où toutes sortes de thèses peuvent être rattachées au Concile, puisque l'on s'est libéré des textes au bénéfice de l'esprit. Par exemple : abolir le célibat consacré des prêtres, permettre l'ordination des femmes, ou bien encore repenser de fond en comble la place des prêtres et des laïcs... Tout cela, dit-on, était déjà présent dans la pensée des Pères conciliaires, mais d'une manière encore diffuse. Il s'agit aujourd'hui de faire apparaître cette pensée non formulée !
En fait, ces deux interprétations, qui semblent si éloignées l'une de l'autre, ont un point commun : toutes les deux analysent le Concile comme un point de rupture au sein de l'histoire de l'Eglise, une sorte de fracture, une fracture que les uns déplorent et dont les autres se réjouissent !
- Pour les premiers, c'est une rupture "consommée", quasi définitive, irréparable : donc il faut quitter l'Eglise pour rallier "la véritable Eglise" ! Le Pape lui-même n'est plus le Pape. On prend ses distances par rapport à son magistère.
- Pour les seconds, il s'agit bien aussi d'une rupture, mais d'une rupture seulement "amorcée", qu'il faut s'employer à élargir pour qu'elle devienne un véritable bienfait ; pour cela, il faut faire apparaître au grand jour ce qui était jusqu'alors caché ! C'est pourquoi, à la différence des premiers, il estiment nécessaire de demeurer dans l'Eglise, mais avec la mission de la faire évoluer.
Pour les premiers, le Concile est un mal qu'il faut exorciser ; pour les seconds, c'est un bien qu'il faut développer.
Le Pape, dès son arrivée, a voulu s'expliquer sur cette grave question ; il l'a fait devant tous les Services de la Curie romaine, réunis à la veille de Noël 2005. "Personne, dit-il, ne peut nier que dans de vastes parties de l'Eglise, la réception du Concile s'est déroulée de manière plutôt difficile." Après avoir énoncé clairement ce constat, le Pape, qui aime dire la vérité, propose une autre clé de lecture. A la notion de rupture, il substitue celle de continuité. C'est là, dans cette notion de "continuité" que se tient la clé de lecture qui permet la juste compréhension des textes du Concile. Il n'y a donc pas une Eglise pré-conciliaire et une Eglise post-conciliaire sans lien entre elles. Il y a une seule Eglise dans laquelle, comme dans un organisme vivant, circule une même vie. Le Pape parle alors de "réforme", en expliquant que le mot "réforme" désigne ce qui apporte "du nouveau dans la continuité."
Pour faire valoir cette clé de lecture de la "réforme", le Pape a annoncé l'ouverture d'une Année de la Foi, qui s'ouvrira le 11 octobre 2012. Cette date rappelle, en effet, qu'il y a cinquante ans commençait la première session du Concile.
Les catholiques sont invités à mieux connaître les textes du Concile. Les lire - et les lire personnellement ! - sans intermédiaire, c'est-à-dire ne pas s'en tenir aux commentaires. Combien de fois nous nous arrêtons aux commentaires d'un texte que nous n'avons pas lu ! Mais plus que la lecture, il est demandé à chacun de chercher à mieux comprendre les textes lus et ne pas hésiter à consulter d'autres sources complémentaires, comme par exemple le Catéchisme de l'Eglise Catholique, ou les encycliques, ou les textes des synodes des évêques.
Les catholiques sont donc appelés à un véritable travail de relecture et d'approfondissement. C'est la meilleure manière de préparer le grand anniversaire de ce Concile qui a enrichi en profondeur l'Eglise de notre temps.
+ Père Guy Bagnard
Évêque de Belley-Ars