2012-05-24 - « Ce n'est pas le fait d'être évêque qui m'a rendu heureux, c'est le fait d'avoir donné ma vie » — Diocèse de Belley-Ars

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2012-05-24 - « Ce n'est pas le fait d'être évêque qui m'a rendu heureux, c'est le fait d'avoir donné ma vie »

Edito Mai 2012



Le texte ci-dessous reproduit une interview publiée par le Journal « Voix de l'Ain ». Je voudrais, en quelques mots, replacer cette interview dans sa genèse. Depuis plusieurs mois, le Directeur du Journal m'avait contacté et sollicitait un entretien. Peu enclin à parler de moi, je me suis finalement rendu aux arguments de Monsieur Bernard Bienvenu. J'ai été particulièrement sensible à l'un d'entre eux : comment quitter le diocèse sans permettre au Journal diocésain de faire un tour d'horizon sur ce quart de siècle ? Pouvait-on en rester à une annonce sèche, quasi administrative, du départ de l'Évêque ?

J'ai donc accepté de me soumettre à ses nombreuses questions. Je les avais reçues à l'avance pour me permettre de leur apporter des réponses quelque peu réfléchies, sans pour autant supprimer la spontanéité du dialogue. Vous trouvez donc ci-dessous les questions et les réponses telles qu'elles sont parues dans le numéro de Voix de l'Ain du 4 mai 2012.

Faute de temps, je n'y ajoute rien, bien que des compléments seraient très souhaitables. On ne fait pas entrer 25 années d'activité pastorale dans l'espace de quelques pages d'une revue. Je remercie Monsieur Bienvenu de m'avoir soumis à cet exercice auquel je n'étais pas initialement très disposé.

+ Père Guy-Marie Bagnard,
Evêque de Belley-Ars

 

Etes-vous heureux que l'heure de la retraite sonne ?

Le mot « retraite » n'est pas le mieux approprié. Le prêtre a mis son existence au service de Dieu et de l'Eglise. Cela veut dire que cette disponibilité de fond ne cesse pas avec la retraite. On reste prêtre, donc en tablier de service.

Vous ne serez bientôt plus en charge d'un diocèse. Est-ce que vous êtes soulagé que cette charge-là prenne fin ?

Oui à 75 ans, les choses se portent plus difficilement. Les années ont passé très vite et je me sens un petit peu dépaysé d'apprendre que j'ai 75 ans, comme si j'étais spectateur de ma propre vie. Un peu à la manière de l'Étranger de Camus qui se découvre surpris de ce qui lui arrive. Il faut sûrement un peu de temps pour mesurer qu'on est en retraite...

Qu'est-ce qui vous manquera le plus ?

Sans doute la variété des contacts. Dans toute ma vie de prêtre, le travail m'a toujours absorbé, avec le sentiment que la tâche était toujours plus grande que ce que je pouvais faire. J'aime remplir la mission qui m'est confiée. J'y vois le service auquel m'appellent le Christ et son Eglise. C'est ma façon de donner ma vie ! Je continuerai à me donner parce que c'est le fil rouge de mon existence.

Vous êtes d'un tempérament bouillant, impatient, un peu « bulldozer »... Vous semblez être plus à l'aise dans les contacts personnels que dans les relations avec des groupes constitués. Est-ce une réalité ? Seriez-vous un timide qui s'ignore ? Un intellectuel qui préfère l'ombre à l'avant-scène ?

Vous dites « impatient » et je le suis. Quand j'étais enfant, mon père me disait : « Tu voudrais arriver avant d'être parti ! ». J'étais très sportif, j'avais besoin de me dépenser beaucoup, surtout dans le foot... Mais quand vous dites « bouillant », je dirais plutôt « vif, spontané » et peut être « combatif », mais surtout je crois, « déterminé ». J'aime bien aller au bout de ce qui est entrepris, Je n'aime pas rester au milieu du gué. Vous dites aussi « timide ». Selon vous, je serais un « fonceur timide », un « audacieux craintif », un « entrepreneur morose » (...) en somme, quelqu'un qui va de l'avant à reculons ! Je ne croyais pas avoir une nature aussi contrastée !

Est-ce que vous reconnaissez cette timidité mêlée au tempérament combatif de quelqu'un qui n'aime pas l'avant-scène sur laquelle il se trouve ?

Ah oui, ça c'est différent. Ne pas aimer l'avant-scène, ne pas vouloir être « sur les planches », sur un plateau de télévision, ce n'est pas la même chose qu'être timide. Si timide veut dire ne pas aimer se donner en spectacle, alors là, je suis d'accord ! Je n'aime pas être mis en avant, que les yeux soient tournés sur moi.

Quand vous présidez une célébration qui est pourtant parfois chaleureuse, on vous sent en distance, en retrait, même triste comme si vous n'adhériez pas à l'ambiance du moment.

En tout cas, intérieurement, je ne me sens pas en difficulté avec les assemblées. Là où l'on sait qu'on ne sera pas bien reçu, c'est vrai que parfois, on arrive un petit peu sur ses gardes ! Mais d'une manière générale, je ne me sens pas en décalage, pas en difficulté et plutôt à l'aise dans les rencontres.

En vous entendant vous exprimer sur l'avenir, le monde, la société, etc., vos interlocuteurs ont parfois l'impression que vous êtes pessimiste. Est-ce que vous l'êtes ?

Je perçois plus facilement ce qui reste à faire plutôt que ce qui est fait. Si j'étais pessimiste, je ne serais pas porté à l'action parce que le pessimisme paralyse. Je suis toujours heureux d'entreprendre, de mener à bien une initiative. L'avenir pour moi, est ouvert. L'homme de foi comme celui que j'essaie d'être, ne peut pas être pessimiste !

Plutôt qu'un pessimiste, diriez-vous que vous êtes un insatisfait ?

Oui, c'est possible. Mais un insatisfait qui ne se satisfait pas de son insatisfaction ! Si l'on se satisfait de son insatisfaction, on n'entreprend rien, on laisse aller les choses. Je vois les choses comme une tâche à accomplir et quand je regarde la société, je me dis, mon Dieu, que de choses à faire, à réformer, à remettre en place !

Vous êtes un des rares évêques français à être resté 25 ans dans le même diocèse. Est-ce un choix personnel ?

Je n'ai jamais demandé à partir ! Mais s'il y avait eu des raisons majeures pour lesquelles il m'aurait été demandé de partir, j'aurais obéi, parce que j'aime obéir. Il me semble que l'obéissance libère. Quand vous choisissez quelque chose, finalement vous restez enfermé sur vous-même. Quand vous recevez de l'Eglise une mission, cela vous met dans la paix. Vous n'avez pas à vous dire après coup, « si j'avais su (...), j'aurais pu demander autre chose », etc. L'obéissance pour moi, est un chemin de dépouillement. Les saints ont tous été des champions de l'obéissance ! Et ils étaient heureux !

Vous n'avez jamais demandé à partir ou l'on ne vous a jamais proposé de partir ?

J'ai plutôt dit aux responsables de notre Eglise que je ne voulais pas partir. Et puis, il y a plus fondamentalement une raison spirituelle. Quand on passe l'anneau à l'évêque au moment de l'ordination, on symbolise le lien profond et définitif, comme l'alliance des époux, entre celui qui arrive et le peuple auquel il est envoyé. En fait, c'est dans la nature même de l'ordination.

 

En même temps, les évêques changent de diocèse parfois !

Bien sûr il peut y avoir des urgences, des difficultés, particulièrement quand il s'agit de nommer un évêque dans une très grande ville. Il est clair qu'à ce moment là, il faut voir le bien de l'Eglise universelle, mais c'est toujours l'Eglise au service de laquelle on est, qui envoie.

Est ce que cette mission d'évêque depuis 25 ans vous a rendu heureux ?

C'est une question à laquelle j'ai toujours du mal à répondre parce que je ne fonctionne pas comme ça ! Je suis plutôt de ceux qui disent : « une mission t'est confiée. Tu la reçois, ne va pas t'enfermer dans tes sentiments, ta psychologie ... ». Mais la meilleure preuve que j'ai été heureux, c'est que je suis resté ! Mais heureux dans le sens où je le dis. Pas dans le sens psychologique « ça me convient ». Car à certains moments, bien des choses ont été une épreuve. Mais une épreuve portée dans ce contexte là. Heureux d'être prêtre, oui ! Ce n'est pas le fait d'être évêque qui m'a rendu heureux, c'est le fait d'avoir donné ma vie et d'y avoir été fidèle !

Vous êtes un homme de devoir ?

Pas de devoir, non, plutôt de soumission à la parole de Dieu. Quand les apôtres ont entendu Jésus leur dire : « Allez dans le monde entier », ils ne se sont pas demandés si ça leur plaisait ou pas. Ils sont attachés profondément au Christ, ils sont prêts à mourir pour lui, donc après, le quotidien est assumé sur cet arrière-plan-là. On ne va pas tous les matins prendre son pouls ! On est là parce qu'on aime le Christ et parce que sa parole nous a atteints. Pourquoi s'ausculter à tout instant !

Dans tout ce que vous avez entrepris en 25 ans, qu'est-ce qui vous paraît le plus abouti, le plus réussi ?

Ce qui me vient en premier, ce sont les ordinations de prêtres. Parce que les ordinations construisent l'avenir. Dans l'Eglise, préparer l'avenir ça veut dire transmettre... C'est comme pour une famille, transmettre la vie. Et ce qui m'a toujours réjoui, c'est de voir des jeunes qui quittent tout, parfois des carrières très brillantes, pour devenir compagnons du Christ. Il en va de même pour certains laïcs ou des consacrés qui vivent un don de soi qui est très extraordinaire. Mais il y a eu d'autres joies : rencontrer les communautés chrétiennes, lire des lettres très profondes de confirmands jeunes ou adultes, voir des adultes catéchumènes qui sont si profondément enracinés dans l'expérience qu'ils ont faite de Dieu. La joie aussi d'avoir participé aux journées mondiales de la jeunesse. Et puis je pense aussi à tous les consacrés du diocèse qui, à la façon dont ils donnent leur vie, élèvent le monde tout entier !

 

Je suis heureux aussi d'avoir réorienté le sacrement du pardon, d'avoir donné une impulsion au sacrement de la confirmation. J'ai été heureux d'avoir généralisé les conseils pastoraux dans toutes les paroisses, d'avoir encouragé le diaconat permanent... Mais ce que je regrette, c'est qu'il y a des secteurs dans lesquels je ne me suis pas beaucoup investi comme par exemple la pastorale de la santé, pas assez auprès des jeunes, des familles, etc...

Qu'est-ce qui vous a le plus pesé ?

C'est ce qui n'a pas été fait, ce qui aurait pu être fait et que je n'ai pas fait. Et même ce que j'ai fait, n'a pas été fait sous le sceau de la perfection. Ce qui m'a le plus pesé, c'est le manque d'unité dans le diocèse, surtout entre prêtres. C'est aussi, à mon arrivée, d'avoir constaté que l'esprit de féodalité n'avait pas disparu. Pour moi, l'évêque n'est pas un figurant, quelqu'un à qui l'on demande simplement de signer un texte, de venir confirmer par son autorité, des choses qui ont été décidées en dehors de lui. Et sans savoir par qui. Son rôle est de tout faire pour que l'unité d'un ensemble se fasse, et pour cela, il a comme mission de faire percevoir à chacun le bien général. Au fond, chacun de ceux qui ont une mission, sont un peu comme les points d'un cercle. Le cercle ne peut être harmonieux que si on est à la même distance du centre, relié à lui. Bien sûr, il faut que chacun ait le sentiment d'être libre dans sa mission. Mais quand on se donne à quelque chose, très vite on en devient propriétaire. Et plus on est propriétaire de ce qu'on fait, moins on voit l'ensemble. La grâce d'une mission comme celle de l'évêque, c'est de rappeler qu'il y a toujours un ensemble et que chacun travaille à cet ensemble.

Votre personnalité, avec cette envie d'entreprendre, ce souci aussi de bousculer les féodalités comme vous dites, tout cela a suscité ici ou là, des contestations...

Lorsque surgit une contestation, c'est généralement à la suite d'une décision qui dérange. Pour amplifier la contestation, on recourt aux médias, non pas pour secourir le bateau sur lequel on est embarqué mais pour prophétiser une prochaine catastrophe. En élargissant ainsi le cercle des auditeurs et des spectateurs, on finit par se convaincre que tout le monde pense comme vous et à l'arrière-plan, il y a l'idée que la vérité est toujours du côté du nombre, comme les Sophistes de l'Antiquité grecque. Au cours de ces 25 ans, j'ai donc été condamné à boire la ciguë à plusieurs reprises. En ces moments d'épreuve, j'ai toujours cherché ma force dans le Christ et dans mon attachement à l'Eglise, je le dis aussi simplement que je l'ai vécu. Le risque dans une responsabilité, c'est d'aligner sa décision sur l'opinion, de tenir compte d'abord des effets d'une décision et seulement ensuite de se préoccuper de son contenu. Le courage est la principale qualité que doit avoir aujourd'hui un évêque. Le Cardinal Gantin disait : « Il lui faut la foi d'Abraham, la patience de Job, le courage de Jérémie, la fermeté de Jean-Baptiste, la disponibilité de Joseph, et l'amour de Marie ».

Plus que tout autre évêque, vous avez été très proche des deux derniers Papes. Qu'est ce que vous avez appris à leur contact ?

D'abord je voudrais dire que ce n'est pas de mon fait. Les circonstances ont été bien plus importantes que mes propres démarches. J'ai commencé à être en contact avec le Pape Jean-Paul II quand j'étais supérieur du séminaire de Paray-le-Monial (1974-1984), parce que je voulais faire aimer l'Eglise aux jeunes et donc on se rendait à Rome tous les deux ans. Mais on le faisait dans une grande discrétion, parce qu'à l'époque, si on avait dit qu'on allait à Rome, on aurait soulevé de vives contestations !

Jean-Paul II et Benoît XVI sont des hommes simples, des hommes accueillants. Je les ai sentis plutôt comme des pauvres, qui faisaient ce qu'ils pouvaient au nom du Christ pour faire de l'Eglise une famille et pour aider les chrétiens à vivre et même à survivre dans les épreuves où ils se trouvaient.

 

Vous avez formé beaucoup de prêtres mais aucun évêque n'est sorti des rangs !

Pour qu'un prêtre soit nommé évêque, il faut qu'il ait un certain âge. On ne peut pas penser aujourd'hui qu'un évêque puisse le devenir à 30 ans. Les jeunes qui sont passés à Ars, sont-ils tous en état, en âge, de devenir évêque ? Je ne sais pas trop. Mais je peux dire que plusieurs anciens séminaristes de Paray-le-Monial sont évêques aujourd'hui.

 

Vous avez consacré votre vie de prêtre et une grande partie de votre ministère d'évêque à la formation des prêtres (Paray-le-Monial, Ars). Quel bilan faites-vous de ces deux initiatives capitales que vous avez prises contre vents et marées, y compris contre l'avis de vos frères évêques ?

J'aime beaucoup ce que disait un évêque Mexicain : « À un évêque, il peut manquer la mitre, la crosse. Il peut même lui manquer la cathédrale, mais il ne peut jamais ne pas avoir de séminaire ». Cela me parait une façon de rappeler que l'évêque a une responsabilité majeure pour l'avenir de l'Eglise. Alors c'est sûr, il m'est toujours apparu qu'à Ars, c'était bien d'y faire un séminaire, d'autant plus que la figure de Jean-Marie Vianney est un témoignage vivant de ce qu'est un prêtre. Pour des jeunes qui vivent là un temps de formation à l'ombre de Jean-Marie Vianney, je trouve que ça favorise beaucoup la maturation intérieure.

Est-ce que vous avez eu l'idée de fonder ce séminaire dès votre arrivée dans le diocèse ?

Non, ma première préoccupation a été de tout faire pour qu'une maison de retraite soit offerte aux prêtres âgés du diocèse. A Pont-d'Ain, la maison n'était pas du tout adaptée. J'ai vu des prêtres mourir là-bas, j'en revenais le coeur broyé. A Ars, la première idée, ça a été de faire un foyer d'accueil pour les prêtres, relié à un séminaire.

En même temps, il ne suffit pas qu'il y ait un séminaire pour susciter des vocations !

C'est vrai. Dans le diocèse, il y a eu une bonne vingtaine de jeunes qui ont commencé une formation au séminaire, pas forcément à Ars d'ailleurs, et qui n'ont pas continué.

Ce qui veut dire que quand on entre au séminaire, on n'est pas mis sur des rails tels qu'on devient automatiquement prêtre. C'est un lieu de liberté. La deuxième chose, c'est que vivre une formation et être orienté vers l'ordination, cela exige beaucoup. Il y a tout un ensemble de réalités humaines, y compris matérielles. On sait qu'un prêtre ne gagne pas grand-chose. Donc cela impose un choix assez radical. Et il faut aussi que ce choix soit fait dans un contexte d'équilibre humain.

 

Les jeunes prêtres d'aujourd'hui ont un profil plus traditionnel que leurs aînés. S'exprime un besoin d'ordre, d'identité. Comment interprétez-vous cela ?

Les jeunes ont vraiment besoin de repères pour mieux s'identifier. Le prêtre aujourd'hui n'est pas reconnu socialement pour ce qu'il est. Nous avons accueilli dans le diocèse, des prêtres Africains. Ils sont complètement décontenancés, au point d'être déstabilisés dans le fait de percevoir que le prêtre ici, aujourd'hui, ne représente plus grand-chose dans la société, alors que eux viennent de pays où le prêtre est quelqu'un de reconnu. Cette évolution rend forcément plus fragile le prêtre et donc, il y a chez lui une sorte de spontanéité pour trouver des repères qui l'identifient. Mais, entre nous, croyez-vous pour le prêtre qu'il est mieux de disparaître dans l'anonymat ?

Quel regard vous portez sur l'Eglise depuis 47 ans que vous la servez ?

C'est sûr que l'Eglise a bien changé depuis deux ou trois générations. Les contestations intérieures sur beaucoup de points l'ont beaucoup affaiblie : le célibat des prêtres, la place des laïcs, l'interprétation du Concile Vatican II, les décisions des Papes, etc... Quand dans une famille, on conteste, la famille ne peut plus répondre à ses objectifs, qui sont justement ceux de son unité, sa cohésion, ce qui crée l'équilibre de ses membres.

N'a-t-elle pas tout de même quelques points forts cette Eglise ?

C'est évident qu'elle a des points forts sinon je n'y resterai pas ! Je n'ai pas du tout le sentiment que le bateau coule car l'Eglise a une parole unique, qui n'est dite par personne sur énormément de points : la pensée sociale, la pensée sur la famille, sur l'économie, sur la vie en société, sur l'amour... C'est juste, c'est grand, ça élève l'homme. L'être humain est rendu à sa dignité !

Dans quelques semaines, le diocèse va vivre un moment fort avec le rassemblement de Pentecôte 2012. Qu'est ce que cela manifeste pour vous ?

D'abord je vois dans cet événement, la mise en évidence d'un enracinement dans une longue histoire : célébrer 1600 ans de présence chrétienne ici, dans ces lieux, c'est quelque chose de considérable. Aucune autre institution aujourd'hui ne peut dire une chose pareille. Les coeurs et les esprits ont été façonnés dans cette terre chrétienne et donc on peut parler à juste titre de « civilisation chrétienne ». La deuxième chose, c'est que si ce message est venu jusqu'à nous depuis seize siècles, c'est parce que la transmission s'est faite. Et donc, il faut appeler aujourd'hui les chrétiens à une mission qui est celle de la transmission de la vie chrétienne, de l'évangile, de l'esprit du Christ...

Le fait que cet événement-là, ce moment de Pentecôte, par le hasard ou la grâce peut-être, tombe au moment même où vous vous apprêtez à transmettre le relais à votre successeur, n'y a-t-il pas là une belle symbolique ?

Oui une symbolique. Les gens disent que c'est pour honorer l'évêque mais qu'est-ce qu'on « s'en fout » de l'évêque ! Les évêques, il y en a eu cent depuis 412 ! Finalement, le plus important dans la vie chrétienne, c'est la sainteté, ce n'est pas la fonction qu'on assume !

D'ici à quelques semaines, où va s'installer l'évêque émérite de Belley-Ars ?

Je dirais franchement que je n'en sais rien. Des demandes me sont adressées de différents endroits, parce que partout, il y a des tâches à accomplir, des missions à remplir.

Mais pour une fois, vous ne pouvez pas exprimer un voeu pour vous-même ?

Je ne voudrais pas en parler avant que le nouvel évêque arrive, parce qu'il me semble qu'il y a là un respect à avoir pour celui qui vient.

Au fond, ne souhaitez-vous pas rester à Ars ?

Je ne sais pas, je ne peux pas répondre parce que j'attends que les choses se précisent et comme je ne sais pas quand l'évêque arrivera... Il m'a été simplement dit qu'on ferait tout pour qu'il n'y ait pas de vacance du siège. Donc en ce sens là, je veux bien rester pour faire la transition. Ensuite je ne sais pas...

 

Est-ce que le fait de rester dans le diocèse, n'est pas gênant pour le successeur ?

Justement, tout doit être vu avec lui, et je ne dis pas que je serai forcément dans le diocèse, je n'en sais rien. En tout cas, j'ai pas mal de propositions y compris dans des paroisses parisiennes, dans des foyers de charité, des communautés, etc...

De ce moment là, de ce lieu de résidence là, dépendra beaucoup ce que sera votre activité. A quoi aimeriez-vous consacrer votre temps ?

Etre au service des prêtres, vivre au service des prêtres. J'ai fait cela presque toute ma vie.

 

Au moment où vous allez passer le relais, qu'est ce que vous souhaitez pour votre successeur ?

Une bonne santé, la force de rester libre, de ne pas se laisser trop impressionner, de prendre des décisions même si elles peuvent déplaire, d'aller à la rencontre des gens. Il faut reconnaitre que quand un homme arrive, il est forcément limité, il ne peut pas être tout en même temps. Je me souviens qu'un prêtre du diocèse m'avait écrit ceci à mon arrivée : « Je prie mon père pour votre grave ministère et puisque le Seigneur vous a voulu, restez confiant ». C'est très libérateur !

Propos recueillis par Bernard Bienvenu