2005-03-22 - Homélie pour la messe chrismale — Diocèse de Belley-Ars

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2005-03-22 - Homélie pour la messe chrismale

La Messe chrismale a rassemblé en la co-cathédrale Notre-Dame de Bourg plus d'une centaine de prêtres autour du Père Évêque et un bon nombre de fidèles laïcs et de religieuses. Mgr Xavier Baronnet, s.j., évêque émérite des Seychelles, concélébrait également. La chorale de Notre-Dame animait les chants. Un repas convivial a réuni ensuite prêtres, diacres et séminaristes à la Maison Jean-Marie Vianney, Salle des Pays de l'Ain. Le service était assuré par des paroissiens(nes) de Notre-Dame.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (4, 18-21)

(...) "L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il ma consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

Homélie

Les événements que nous rapporte l'Évangile sont - comme tous les autres événements - des éléments de l'histoire. Ils ont des causes. Ils entraînent des effets. L'historien peut les analyser, les étudier comme tous les autres. Ils ont pourtant une particularité que Jésus relève à la fin de la lecture qu'il vient de faire à la synagogue de Nazareth, le village de son enfance et de sa jeunesse : "cette parole de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

Ce qui arrive dans l'Évangile y arrive comme l'accomplissement d'une parole annoncée et conservée dans un texte. L'événement n'est donc pas le fruit d'une série de simples contingences. Bien sûr, il se produit à la suite d'un enchaînement, d'une trame qui relie les uns aux autres une multitude de faits. Pris isolément, ils n'ont qu'une portée limitée, par exemple ici : l'arrivée de Jésus dans son village, le rassemblement des croyants dans la synagogue, le jour du sabbat ; le rouleau des Écritures qui est choisi par le servant et qui est présenté au lecteur - et enfin Jésus qui proclame l'Écriture et la commente !

Autant de petits faits insignifiants, mais qui, reliés entre eux, forment un tout et débouchent sur un point d'orgue, tout aussi important que l'Écriture elle-même puisqu'il L'achève en La réalisant : "cette parole de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

Jusqu'alors, l'Écriture n'avait pas encore trouvé toutes ses dimensions. Comme un plan d'architecte avant la construction qu'il ébauche, elle couvre seulement l'espace d'un manuscrit où elle est consignée. Mais, à la synagogue de Nazareth, elle acquiert son ultime dimension : la profondeur ! On la voit en relief comme toute chose qui devient réalité ! Ce qui était annoncé par la vision du prophète, trouve ainsi place dans l'histoire. Ce qui veut dire que Jésus a la mission de faire exister l'Écriture, de la faire passer dans les faits. Il ne procède pas pour cela à la manière d'un esclave qui, bêtement, suivrait une route toute tracée, en appliquant comme de l'extérieur ce qui était annoncé ! Car c'est dans sa propre Personne que doit s'incarner l'Écriture ! C'est en Lui qu'elle se réalise en premier ; et la condition de cet accomplissement, c'est qu'Il s'ouvre à elle dans la liberté.

La seule manière de la faire exister c'est de se donner à Elle librement. S'ouvrir à la Sainte Écriture, c'est équivalemment pour Jésus se donner à son Père ! "Ma nourriture, c'est de faire Ta volonté ! ", c'est-à-dire : faire "Ta" volonté me maintient en vie ; "Ta" volonté me fait grandir, c'est Elle qui éclaire et oriente mon existence ; c'est Elle qui me donne la croissance et l'être ! Il n'est pas indifférent que ce passage de l'Évangile soit retenu le jour où, nous, prêtres, nous renouvelons les promesses de notre ordination. Ce jour-là, nous recevons, de la bouche de Jésus, un message bien précis : notre mission - dans le prolongement de la sienne - est un don de nous-mêmes pour faire passer dans la réalité le dessein du Père sur l'humanité : il s'agit de faire exister dans les faits la Parole de la Sainte Écriture, de lui donner son relief, à la façon dont Jésus lui-même l'a accomplie, c'est-à-dire en la faisant exister dans notre personne. Bref, en nous livrant à elle.

C'est au moment de la Sainte Cène, heure suprême de sa vie - "Père, l'heure est venue ! " - que se manifeste avec le plus de force la réalisation de l'Écriture par Jésus. Et c'est cela que le Christ laisse à l'humanité : "Un sacrifice tellement décisif pour le salut du genre humain, explique le Pape, que Jésus-Christ ne l'a accompli et n'est retourné vers le Père qu'après avoir laissé le moyen d'y participer comme si nous y avions été présents. Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les fruits d'une manière inépuisable ! "

"Après avoir laissé le moyen d'y participer comme si nous y avions été présents", écrit le Pape. C'est notre ministère de prêtres qui assure à l'Écriture sa capacité à entrer dans la réalité des hommes. Et, comme le Christ, nous le faisons en livrant notre vie. L'Écriture prend d'abord racine dans notre personne !

C'est cette composante essentielle de notre ministère qui oriente la juste réponse à la question de l'actuelle pénurie de vocations sacerdotales. Si nous mettions cette vérité du don de soi entre parenthèses, notre ministère se réduirait très vite à sa seule fonction, à une extérorité. A l'égal, par exemple, des agents des Pompes funèbres, avec lesquels nous avons de fréquentes relations. Nous les voyons accompagner le cercueil, introduire les membres de la famille dans l'église ; ils accueillent souvent admirablement ; ils disposent cierges et fleurs, présentent le bénitier ; en certains cas, ils animent même la prière en rédigeant eux-mêmes les textes. Mais si on leur posait la question : "Êtes-vous croyants ? ", ils seraient sans doute les premiers surpris et trouveraient la question déplacée. Car ils sont là pour accomplir leur métier, et non pas pour exprimer leur foi ! Leur travail, si bien fait soit-il, n'implique pas de soi un engagement personnel dans une relation avec Dieu.

Il en va autrement pour nous, prêtres : notre ministère est d'abord l'expression du don de notre être au Christ et à son Église. Nous ne pouvons pas rester extérieurs à la mission que nous accomplissons ! Et c'est bien pour cette raison que, chaque année, nous renouvelons les promesses de notre ordination.

Elles expriment notre attachement au Christ et à l'Église dans tous les actes de notre ministère quotidien. Notre fidélité à ce rendez-vous liturgique donne, en outre, une visibilité à notre fraternité sacerdotale. Ce n'est jamais dans l'isolement que nous travaillons. Car c'est la même Parole et la même Vie du Christ que nous offrons aux hommes et aux femmes de ce diocèse.
Notre fraternité est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que nous sommes renouvelés plus fréquemment dans nos missions. Autrefois, un curé pouvait être nommé pendant trente ou quarante ans dans la même paroisse. Cette stabilité avait ses avantages et aussi... ses inconvénients ! Aujourd'hui, les changements se produisent sur un rythme plus fréquent, ce qui accentue l'exigence de la solidarité entre prêtres. Car nous avons à tenir compte davantage du travail que le prédécesseur a effectué et de mener le nôtre dans l'esprit où nous serons remplacés à notre tour ! La communion sacerdotale est une composante de la mission. Ce n'est donc pas d'abord nos particularités que nous avons à mettre en avant. C'est la pastorale commune et les appels de l'Église diocésaine - elle-même reliée à l'Église universelle - que nous avons à inscrire dans notre ministère.

Qu'il me soit permis d'exprimer à vous, les fidèles, qui êtes venus nombreux participer à cette liturgie une demande de pardon : il vous arrive d'être parfois bousculés par ces changements, de souffrir de ces modifications dont les raisons parfois vous échappent. Sachez rappeler à vos prêtres que ce n'est ni la "créativité" ni "l'arbitraire" qui doivent l'emporter dans la vie et l'orientation de la communauté ; mais le bien pastoral commun tel qu'il est exprimé et voulu dans l'Église. Le fait de s'en tenir à des repères objectifs - qui ne sont donc pas tributaires des personnes - permet à la communauté de mieux accomplir l'unité entre ses membres et d'être relié à l'ensemble de l'Église.

Mais, en même temps, je voudrais vous rappeler qu'un prêtre, quel qu'il soit, a donné sa vie pour vous. Il n'a pas pu recevoir le Sacrement de l'Ordination sans que soit inscrit au fond de lui-même le sens aigu du service, à l'imitation du Christ, et la volonté de le traduire dans sa vie !

S'il arrive que l'unité soit blessée, l'Eucharistie est là pour la reconstruire et la développer. Le Pape nous le rappelait : dans ce sacrement, le don du Christ « accomplit avec une surabondante plénitude les désirs d'unité fraternelle qui habitent le coeur humain ; de même, elle élève l'expérience de fraternité inhérente à la participation commune à la même table eucharistique jusqu'à un niveau bien supérieur à celui d'une simple expérience de convivialité humaine. Par la communion au corps du Christ, l'Eglise réalise toujours plus profondément son identité : elle "est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire, le signe et l'instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain." » (Ecclesia de Eucharistia n°24).

Don de soi et fraternité sacerdotale dans le service de l'évangélisation, tel est le message vivant de cette célébration. Recueillons-en tous les fruits, pour nous-mêmes et pour les communautés que l'Église nous confie.

Mgr Guy-Marie Bagnard, 2005