La fin d’un monde
Une des paroissiennes de mon diocèse a posé cette question angoissée à son curé : « Ne sommes-nous pas en train de vivre "le commencement de la fin du monde" ? ». Comme chacun de vous j’ignore totalement quand surviendra le terme de notre monde créé et, à vrai dire, je ne m’en soucie pas trop, puisque Jésus affirme lui-même que nul ne connaît ni le jour ni l’heure (voir Marc 13, 32-37). Mais en tous cas, j’ai le sentiment que nous sommes en train de vivre la fin d’un monde. Je suis convaincu que nous sommes effectivement en train d’aborder une grande révolution.
Il y a 10.000 ans, nous avons eu une 1°révolution : la révolution néolithique, qui marqua le passage du mode de vie nomade (des chasseurs et cueilleurs), au mode de vie sédentaire (des cultivateurs et des éleveurs). Ensuite, aux 18° et 19° siècles, il y a eu la révolution industrielle, qui s’est traduite par le passage d’une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle (liée à la maîtrise de l’énergie). Aujourd’hui, nous sommes en train d’amorcer une nouvelle révolution, que l’on nommera peut-être la révolution écologique. Ce qui la caractérisera, c’est sans doute un nouveau rapport de l’être humain à ses semblables et à la nature, dans l’esprit de l’encyclique Laudato si.
Alors, nous sommes certes en pleine crise, mais savez-vous qu’en chinois mandarin, le mot « crise » est décrit par deux idéogrammes signifiant conjointement « danger » et « opportunité ». C’est une belle manière de voir les choses. Autrement dit, une période difficile constitue une occasion favorable pour envisager l’avenir d’une nouvelle façon. La crise, c’est le moment dangereux où l’on frôle le pire, mais c’est aussi le moment décisif à saisir pour opérer un changement vital.
Aujourd’hui, la crise du corona virus nous offre l’opportunité d’opérer un tournant majeur. Aussi devons-nous renoncer à imaginer la crise sanitaire mondiale comme une simple parenthèse et à rêver de reprendre notre vie d’avant, comme si de rien n’était. Il importe que nous n’attendions pas la fin du confinement pour réfléchir à ce que nous allons changer très concrètement dans nos modes de vie individuels et communautaires. Il faut absolument tirer la leçon de cette expérience et ne surtout pas recommencer comme avant ! Nous pouvons sortir plus forts de cette crise. La crise se révèlera en fin de compte, je l’espère, comme un événement providentiel qui nous donnera le courage de décider les renouvellements que nous jugions indispensables, mais que nous étions réticents à opérer.
+ Pascal ROLAND