Vivre le don de soi — Diocèse de Belley-Ars

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Vivre le don de soi

Homélie de Mgr Roland pour le Dimanche des Rameaux (année A), en confinement, le 5 avril 2020

Habituellement, nous avons deux célébrations pour le prix d’une seule, puisque normalement la liturgie de ce dimanche nous donne à la fois de vivre l’entrée triomphale de Jésus, le jour des Rameaux, et, d’autre part, d’entendre le récit de sa Passion et de sa mort.

 

Cette pratique étonnante s’explique par le fait qu’à l’origine il y a deux traditions distinctes celle de Jérusalem et celle de Rome. A Jérusalem, le dimanche précédant Pâques était entièrement consacré à la reconstitution historique de l’entrée triomphale de Jésus dans la Ville Sainte (imaginez-vous l’évêque assis sur un âne, pour représenter le Christ, avec les foules qui l’escortent en chantant et en agitant des palmes !). A Rome, rien de semblable. La liturgie était beaucoup plus sobre. Le dimanche avant Pâques, on lisait simplement la Passion du Seigneur.

 

Lorsqu’on a unifié les pratiques liturgiques, comme vous pouvez le constater, on n’a pas fait le choix d’une tradition contre l’autre, mais on a rassemblé les deux en une seule. Vous trouvez d’ailleurs une trace de cet assemblage de deux traditions dans le titre officiel donné dans le missel à ce dimanche avant Pâques : « Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur ». Vous pouvez identifier une autre trace de cet assemblage dans le fait qu’habituellement on proclame deux évangiles : l’un à l’entrée de l’église et l’autre à sa place habituelle, durant la messe. 

 

Cette année, exceptionnellement, du fait des circonstances de confinement, qui font que les chrétiens ne peuvent pas se rassembler pour la liturgie, la Congrégation pour le culte divin a demandé qu’on supprime le rite de bénédiction des rameaux, qui n’est pas un rite essentiel.  Ainsi notre attention se trouve-t-elle centrée uniquement sur la Passion ; ce qui, en fin de compte, n’est pas plus mal. D’une part cela nous enseigne que la liturgie n’est pas un jeu de représentation ni de reconstitution historique suivant une lecture anecdotique des évangiles. D’autre part, cela nous préserve du risque de fragmentation du mystère pascal, et centre bien notre attention sur la profonde unité du mystère de la mort et de la résurrection de Jésus

 

Nous venons donc d’entendre le récit de la Passion selon saint Matthieu. Ce récit nous fait vivre un long chemin, où nous suivons, pas à pas, le don que Jésus fait de lui-même. Le Christ nous achemine ainsi jusqu'au calvaire et nous fait entrer avec lui dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, le mystère de notre Salut. 

 

J’attire votre attention sur trois points majeurs. Ce qui touche, à l'écoute du récit de la Passion, c’est d’abord la tranquille détermination de Jésus. Nous voyons un être libre, et d’une grande dignité dans sa souffrance, parce que sa vie est donnée. Il va jusqu’au bout de ce don de lui-même et ne se laisse pas entraver par quoi que ce soit. En lui s’accomplit la prophétie d’Isaïe, entendue dans la 1° lecture : « Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats »

 

Ce qui touche, ensuite, c'est la confiance inébranlable que Jésus manifeste envers son Père. « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux ! » demande-t-il, dans sa prière à Gethsémani, juste avant d’être arrêté et mené à la mort. Alors qu'il est exposé à la haine, tandis qu'il est abandonné de tous et qu'il subit des outrages, Jésus ne remet pas en cause sa confiance dans le Père. Là encore s’accomplit la prophétie d’Isaïe, entendue dans la 1° lecture : « Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. ».

 

Troisième point d’attention : je vous invite à resituer la Passion du Christ dans le mouvement plus large évoqué par l'épître aux Philippiens (2° lecture). D'une part, celle-ci nous fait saisir qu’on ne peut pas dissocier l’Incarnation de la Rédemption. C’est un même et unique mouvement qui conduit Jésus à prendre la condition de créature humaine et qui le conduit à mourir sur la croix. Il s’agit d’un mouvement de dépouillement, d’abaissement et d’obéissance. Il s’agit de l'accomplissement en notre condition humaine d'un mouvement de dépouillement qui caractérise le Fils de Dieu de toute éternité. D'autre part, l'épître aux Philippiens nous fait saisir qu'on ne peut pas dissocier la mort du Christ de sa Résurrection. C'est dans celle-ci, en effet que se manifeste pleinement la grandeur du Christ, sa Seigneurie sur toute la création. 

 

Mais c'est aussi la grandeur du Père qui se manifeste, car l'abaissement et l'exaltation de son Fils pour le salut du monde révèlent en vérité qui est Dieu. En son Fils crucifié, Dieu est totalement exposé, il nous donne à voir qu'il est amour infini et que l'amour consiste à se livrer, à se déposséder de soi-même pour l'être aimé. Comme l’affirme saint Paul dans l’épitre aux Romains : « Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? » (Rom 8, 32).

 

La vie chrétienne consiste à se laisser entraîner dans cette dynamique de vie dans laquelle nous introduit l’Esprit Saint, que nous avons reçu au baptême et qui fait de nous des enfants de Dieu dans le Fils unique.

 

Alors que nous sommes pris dans la tourmente d’une crise sanitaire mondiale et des innombrables difficultés économiques et sociales qu’elle engendre, nous voici aujourd’hui provoqués à vivre un dépouillement radical. A travers l’impératif du confinement et le changement de mode de vie, incluant la cruelle privation de rassemblements liturgiques, nous voici étroitement unis, d’une manière que nous n’imaginions pas, au mouvement de dépouillement et d’abaissement du Christ.

 

Il s’agit de ne pas subir passivement les événements, mais de consentir librement et généreusement à entrer dans ce mouvement d’abaissement, dans la certitude de foi que le Père est avec nous et qu’il ne nous abandonne pas. Avec Jésus, acceptons et portons cette croix, en y discernant un appel à aller à l’essentiel. N’ayons qu’un seul objectif : vivre le don de soi, qui est le propre de l’amour. Accueillons donc le don qui nous est fait dans la croix du Christ. Et laissons-nous conduire toujours plus profondément dans la dynamique du renoncement à soi-même et du don de soi, car là est le secret de l’amour véritable et de la vie éternelle !

 

Comme nous l’avons demandé dans la prière d’ouverture de cette célébration : « Dieu éternel et tout-puissant, pour montrer au genre humain quel abaissement il doit imiter, tu as voulu que notre Sauveur, dans un corps semblable au nôtre, subisse la mort de la croix : accorde-nous cette grâce de retenir les enseignements de sa passion et d’avoir part à sa résurrection ». Et comme le dira la bénédiction finale : « Dieu votre Père, le Père de toute miséricorde, vous a donné dans la passion de son Fils la plus belle preuve de son amour : Qu’il vous aide maintenant à découvrir, à son service et à celui de vos frères, jusqu’où va le don de sa grâce ! »

 

                                    + Pascal ROLAND