Avoir de l'huile en réserve ! — Diocèse de Belley-Ars

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Avoir de l'huile en réserve !

Photo by Charu Chaturvedi on Unsplash

Notes de l’homélie du 32° Dimanche T.O. (A), pendant le confinement, 8 novembre 2020
Mt 25, 1-13 « Vierges sages et vierges folles »

 



Drôles de noces ! Voici une parabole qui nous raconte une histoire susceptible, à première vue, de nous apparaître quelque peu extravagante. Je vous rappelle qu’une parabole est une histoire dont il faut chercher à saisir ce qu’on nomme la pointe ; c’est-à-dire qu’il nous faut identifier le message central de Jésus, sans vouloir trouver à tout prix une explication précise à chacun des moindres détails. Il s’agit plutôt de nous demander : qu’est-ce que le Seigneur nous dit d’essentiel, de vital, à chacun, pour aujourd’hui, à travers cette parabole ? 

Jésus nous signifie d’abord que nous sommes comparables aux 10 jeunes filles de la parabole. Comme elles, nous sommes invités à des noces, car, de toute éternité, Dieu a conçu une alliance avec l’humanité. Dieu Trinité nous appelle à entrer dans une relation personnelle avec lui et à vivre une communion intime avec les personnes de la Trinité. C’est pourquoi le Père nous a envoyé son Fils, venu nous chercher et nous sauver de la perdition.

Notons ensuite que les 10 jeunes filles de la parabole ont un trait commun. Elles ont toutes répondu à l’invitation. Comme elles, nous aussi, nous avons tous répondu positivement à l’invitation. Car nous ambitionnons de rencontrer Dieu : nous rêvons tous de vivre en communion étroite avec lui. Mais sommes-nous disposés à en accepter les exigences ? Autrement dit, sommes-nous prêts à renoncer à nos manières toutes humaines et pécheresses d’envisager les choses, pour consentir aux exigences de l’amour authentique ? 
 
Nous avons certes répondu à l’appel du Seigneur. Pour cela nous avons décidé de suivre Jésus.

Mais avons-nous bien mesuré que cette amitié avec le Christ ne consiste pas à se laisser porter par un simple élan d’enthousiasme initial ? Nous le savons bien, un élan généreux est toujours relativement facile ! Mais il s’agit de vivre l’épreuve de la durée. Il s’agit de cultiver la disponibilité pour que notre oui prenne corps, jour après jour, de manière très concrète, et ceci par des chemins que nous n’avons pas planifiés ! 

Après cela, observez comment les 10 jeunes femmes de la parabole s’assoupissent toutes ! Tout le monde s’assoupit inévitablement à un moment où à un autre. Il nous faut intégrer cette réalité de notre faiblesse et de notre pauvreté. Il importe de n’être ni présomptueux ni inconscient. Dans toute vie chrétienne, en effet, à côté de moments de grands élans mystiques et d’enthousiasme, tout le monde connaît des moments d’assoupissement, des périodes plus difficiles, lorsqu’il faut persévérer dans l’obscurité. Cet assoupissement ne signifie pas pour autant une indisponibilité radicale au Seigneur. On peut s’assoupir un moment et cependant être fondamentalement prêt : « Je dors, mais mon cœur veille » dit la bien-aimée du Cantique des Cantiques (5, 2).

La parabole nous enseigne qu’être disponible en toutes circonstances requiert d’avoir de l’huile en réserve. Mais quelle est donc cette huile dont il faut se munir pour aller à la rencontre de l’Epoux ? Au passage, on peut être étonné, voire choqué et scandalisé que les 5 jeunes filles prévoyantes qui nous sont données pour modèles refusent de partager leur huile avec les 5 autres. Celles-ci seraient-elles égoïstes et indifférentes à la détresse des autres ? Manqueraient-elles profondément de charité ? Non, bien sûr ! 

Cette histoire nous révèle simplement qu’il y a des réalités qu’on ne peut pas partager et pour lesquelles chacun est personnellement responsable. C’est ce qui se passe pour l’huile de la foi ! On peut, plus ou moins aisément, partager ce qui est de l’ordre de l’avoir : de la nourriture, un espace d’habitation, des biens matériels, du temps etc., mais il y a des réalités qui sont du domaine de l’être et que l’on ne peut pas partager, quand bien même le souhaiterait-on. C’est à chacun d’être disponible dans la foi. Cette responsabilité est inaliénable !

Et la porte fermée de la parabole ne signifie pas la dureté de Dieu, mais bien au contraire sa miséricorde. C’est précisément parce qu’il ne veut pas que nous trouvions la porte close, que Jésus nous exhorte à nous convertir, pendant qu’il en est encore temps. Il nous montre qu’on ne peut pas revenir en arrière et que c’est donc maintenant que nous devons nous préparer dans la foi. Car le Seigneur survient à l’improviste à travers les événements de notre vie. Non pas que le Seigneur prenne plaisir à nous surprendre, car Dieu n’est pas pervers ! Mais il y a tout simplement des événements qui surviennent dans notre existence de manière inattendue: ils peuvent nous trouver prêts, si nous sommes dans la foi.

Prenons l’exemple de ce qui survient actuellement ! Nous sommes surpris par une série d’événements inattendus : nous n’avons en effet programmé ni la pandémie, ni les récents attentats terroristes ; ni le confinement sanitaire ; ni les graves difficultés sociales et économiques que cela entraîne ; ni le rejet du recours fait en justice, qui se traduit par l’impossibilité de nous rendre à l’église pour la messe dominicale. 

Bref, nous nous trouvons dans une situation semblable à celle des jeunes filles de la parabole. Nous voici plongés dans les ténèbres et réveillés au milieu de cette nuit : « Voici l’Epoux ! Sortez à sa rencontre ! » Ce n’est pas une doctrine abstraite. C’est la réalité : l’Epoux est là ! Le Christ est là, au cœur de la nuit dans laquelle nous sommes plongés. Le Christ est bien là, qui nous invite à communier au mystère de sa Passion et de sa mort. Si nous ne sommes pas disposés à le suivre, à lui être uni dans ce mystère d’abaissement, nous trouvons la porte close et nous sommes alors en proie à l’affolement. Cela s’exprime pour les uns par la peur et l’angoisse de l’avenir. Pour d’autres, cela se traduit par la colère contre les autorités, aussi bien les autorités gouvernementales, que les autorités ecclésiales, que l’on accuse alors de faiblesse.

Mais, avoir préparé des flacons d’huile pour allumer sa lampe, afin d’aller à la rencontre du Christ Epoux, n’est-ce pas être disposé à imiter le Christ dans le mystère de sa Passion ? On peut ressembler à saint Pierre, qui sort son épée, parce qu’il refuse de consentir à la réalité de la croix. Il prétend donc se battre contre ceux qui sont venu arrêter Jésus à Gethsémani. Aujourd’hui, de même, certains veulent en découdre avec les autorités qui barrent la route à leur volonté propre. 

Dans de telles circonstances, une seule réponse s’impose à nous : conserver le regard fixé uniquement sur Jésus, dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Seul Jésus peut apporter le salut et mettre fin au cycle de la violence. Il s’agit donc de le suivre de façon résolue. Devant le gouverneur Pilate, Jésus a exprimé paisiblement ce qui était juste et injuste. Il a rendu hommage à la vérité, puis il s’est tu. Il a subi des outrages sans broncher. Et il a poursuivi son chemin jusqu’au bout, sans laisser l’esprit de division entamer le moins du monde l’amour qui l’habitait. On peut constater que ses dernières paroles sur la croix sont, d’une part, des paroles de communion avec le Père « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Luc 23, 46) ; et, d’autre part, des paroles de pardon et donc de communion avec ceux-là mêmes qui le livrent à la mort : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34).

Si, comme les jeunes filles prévoyantes, nous avons préparé des flacons d’huile, si nous avons des réserves de foi, alors nous n’oublions pas que notre monde est tout entier dans la main de Dieu. Si l’on a des réserves de foi, on maitrise les sentiments de violence qui peuvent nous habiter ; on accueille le Christ qui est présent au cœur de la nuit et, en se laissant conduire par l’Esprit Saint, on consent à entrer avec lui dans le mystère pascal, dans le mystère des noces de l’Agneau. C’est l’espérance d’une fécondité qui ne nous appartient pas.  C’est l’entrée dans la réalité profonde de l’Amour, qui vient mettre un terme au cycle de la violence. Faute de foi, on trouve la porte close. C’est l’enfermement dans le ressentiment, la colère et la violence. C’est le repli sur soi. C’est la désespérance. C’est la solitude et la mort définitive !

Le Seigneur survient à l’improviste à travers les événements d’aujourd’hui. Sommes-nous prêts ? Sommes-nous vraiment dans la foi ? Mettons-nous donc à l’école de la Vierge Marie, qui nous recommande, comme aux serviteurs de Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! » (Jean 2, 5).

+ Pascal ROLAND