COMMUNION DES SAINTS
Sr Marie de l'Eucharistie voulait allumer les cierges pour une procession ; elle n'avait pas d'allumette, mais voyant la petite lampe qui brûle devant les reliques, elle s'en approche. Hélas ! elle la trouve à demi éteinte, il ne reste plus qu'une faible lueur sur la mèche carbonisée. Elle réussit cependant à allumer son cierge et, par ce cierge, tous ceux de la Communauté se trouvèrent allumés. C'est donc cette petite lampe à demi éteinte qui a produit ces belles flammes qui, à leur tour, peuvent en produire une infinité d'autres et même embraser l'univers. Pourtant ce serait toujours à la petite lampe qu'on devrait la première cause de cet embrasement. Comment les belles flammes pourraient-elles se glorifier, sachant cela, d'avoir fait un incendie pareil, puisqu'elles n'ont été allumées que par correspondance avec la petite étincelle ?...
Il en est de même pour la Communion des Saints.
Souvent, sans le savoir, les grâces et les lumières que nous recevons sont dues à une âme cachée, parce que le bon Dieu veut que les Saints se communiquent les uns aux autres la grâce par la prière, afin qu'au Ciel ils s'aiment d'un grand amour, d'un amour bien plus grand encore que celui de la famille, même la famille la plus idéale de la terre.
Combien de fois ai-je pensé que je pouvais devoir toutes les grâces que j'ai reçues aux prières d'une âme qui m'aurait demandée au bon Dieu et que je ne connaîtrai qu'au Ciel.
Oui, une toute petite étincelle pourra faire naître de grandes lumières dans toute l'Eglise, comme des docteurs et des martyrs qui seront sans doute bien au-dessus d'elle au Ciel ; mais comment pourrait-on penser que leur gloire ne deviendra pas la sienne ?
[...] Au Ciel on ne rencontrera pas de regards indifférents, parce que tous les élus reconnaîtront qu'ils se doivent entre eux les grâces qui leur ont mérité la couronne.
( Ste Thérèse de Lisieux, carnet jaune , 15 juillet 1897)
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« Sur le chemin du Paradis nous sommes transportés par les cars du Bon Dieu, sinon personne n’arriverait au bout. Il y a quelques cars pour les amis de Dieu et une longue file de car pour les autres. Ces derniers sont gratuits. Les cars des Amis de Dieu, eux sont payants, et ce billet-là coûte cher. Mais le plus fort c’est que les amis de Dieu doivent payer dix ou vingt fois leur place. A tout instant durant le voyage, le Maitre passe de nouveau pour leur demander de payer encore. Les Amis finissent par comprendre qu’on les fait payer pour d’autres, pour ceux qui voyagent sans billet dans la longue file des cars gratuits. Et lorsqu’ils doivent verser le prix pour la vingtième fois, ils se plaignent bien un peu à leur Seigneur mais pas trop, parce qu’ils savent que ce ne sera pas encore la dernière fois. »
(p.469 P. Jérome….)
Le Père Jérôme, moine de Septfons († 1985), décrit en une image saisissante le service accompli par la prière du moine en faveur de notre humanité.
Imaginons une grande ville, le soir : les rues sont éclairées par des milliers de lampes ; dans les magasins, dans les bureaux, l’activité continue comme en plein jour. Avec la lumière, la force et la chaleur : par le courant qu’elles reçoivent, les usines travaillent, les machines tournent. Dans les foyers, le même courant permet de préparer les repas. Toute activité cesserait si le courant n’arrivait plus jusqu’à la ville, mais tant qu’il arrive, tout est vie, tout est lumière.
À des dizaines de kilomètres de là, dans une gorge perdue de la montagne, voici un torrent, un barrage et, au pied du barrage, une centrale. C’est une grande salle silencieuse et obscure. Une rangée d’énormes machines, comme des tours ou comme des bourdons de cathédrales, tournent sur elles-mêmes. Ce sont les génératrices.
Leur construction est si parfaite qu’aucun bruit ne révèle leur mouvement. Seules les ampoules de quelques lampes-témoins indiquent que tout marche. Pour le reste, pénombre, silence, solitude. Le seul point éclairé est, dans un coin, un petit pupitre sur lequel sont alignés des cadrans, des manettes. Devant ce pupitre se tient un homme. Que fait-il là, dans cette solitude, dans ce mystère ? Il met en marche ; il distribue ; et pour cela, il veille.
Or, cet homme, là-bas, ne doute pas de son rôle. Il sait pourtant que la lumière et la force, qu’il répartit au loin, ne viennent pas de lui ; il vit trop près du torrent pour se méprendre. Il sait que la puissance réside dans le torrent et qu’il n’a, quant à lui, qu’un rôle d’intermédiaire. Mais, de ce rôle, il a pleine conscience. Les exigences mêmes des gens de la ville l’obligent à en prendre conscience : si la lumière et la force cessaient un instant de leur arriver, ils n’accuseraient pas le torrent, ils accuseraient les veilleurs de l’usine : "Une coupure, encore ! Qu’est-ce qu’ils font donc, là-bas ?"
Aussi, ces hommes qui veillent là-bas savent-ils que leur présence près du torrent est nécessaire. Leur action cachée est un service ; et il leur suffit de l’avoir compris pour garder la certitude de sa noblesse, et pour en accepter l’austérité. Fidélité dans la solitude, vigilance dans la nuit.
Extrait du livre "Vigilant dans la nuit", Éditions Saint-Augustin, 1995 - (pages 56-57)-