Méditons sur le Magnificat — Diocèse de Belley-Ars

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Méditons sur le Magnificat

Pèlerinage à Lourdes, homélie pour la Messe à la grotte, 24 juillet 2017 (Luc 1, 39-56)

 

Méditons sur la prière du Magnificat, cette belle prière qui monte des lèvres de Marie, après que sa cousine Elisabeth ait reconnu son acte de foi et ait déclaré : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». N’oubliez pas que dans l’ensemble des évangiles Marie ne parle que 6 fois. Il s’agit, ici de sa prise de parole la plus longue (10 versets). C’est en dire l’importance !

 

Si vous fréquentez un peu les Ecritures Saintes, vous observerez aisément que la prière de Marie est beaucoup plus qu’un mouvement affectif, où celle-ci ferait des confidences sur son état d’esprit du moment. C’est plus qu’une création poétique où elle chercherait à traduire de façon originale ses sentiments.


Vous remarquerez en effet que la prière de Marie s’inspire de nombreux textes de l’Ancien Testament, parmi lesquels nous pouvons reconnaître : le cantique d’Anne, la femme qui était stérile, et qui rend grâce après la naissance de son fils Samuel. Le chant de Moïse et Myriam après la traversée de la Mer Rouge et la libération de l’esclavage en Egypte. Le cantique de Débora après la défaite de Sisara. Le cantique de Judith après la défaite d’Holopherne. Sans oublier plusieurs psaumes : 146, 113, 89.

 

Il s’agit de passages qui manifestent la fidélité du Seigneur à son peuple éprouvé. On y voit le renversement de situations qui paraissaient désespérées, sans issue. On y voit la libération de l’opprimé et de l’humilié. On y voit la puissance de Dieu qui se déploie dans ce qui est faible. On y voit enfin la dimension collective du salut obtenu.

 

Cela signifie que le texte du Magnificat est pétri de langage biblique. Cela atteste que la Vierge Marie a médité et retenu les Ecritures, qui ont visiblement nourri sa prière personnelle, à tel point que lorsqu’elle prie, ce sont les paroles bibliques qui viennent assez spontanément sur ses lèvres.

 

Manifestement il y a une proximité particulière entre le Magnificat et le cantique d’Anne. Or si vous comparez la prière de la Vierge Marie avec le cantique d’Anne (prière que cette dernière fait monter vers Dieu, après la naissance miraculeuse de Samuel), au-delà des similitudes manifestes, vous noterez au moins deux différences majeures, qu’il convient de souligner.

 

Dans le cas de Anne, la prière d’action de grâces se déroule, d’une part, après la naissance de l’enfant et, d’autre part, dans le cadre liturgique, celui du temple de Silo, en présence du prêtre Eli, avec le sacrifice d’un taureau et la consécration du jeune Samuel.

 

Dans le cas de la Vierge Marie, l’action de grâce se déroule, d’une part, avant la naissance de l’enfant Jésus ; d’autre part, dans un cadre domestique, celui de la demeure d’Elisabeth. Il n’est question ni de temple, ni de prêtre, ni de sacrifice, ni de consécration.

 

Ces différences notables ne sont-elles pas le signe que nous sommes entrés dans le régime de la Nouvelle Alliance inaugurée par Jésus ? Pourtant vous constatez que l’on ne voit pas Jésus. On ne voit que Marie. L’enfant est porté en elle : il est caché en son sein. Marie est la figure symbolique de l’Eglise. Marie est ici remplie de la présence du divin enfant, comme l’Eglise, elle aussi, est pleine de la présence invisible du Christ.

 

Vous remarquez que Marie de prononce pas de vaines paroles. Les seuls propos rapportés de sa rencontre avec sa cousine Elisabeth ne sont que paroles de joie, de louange, de remerciement à Dieu pour ses bienfaits. Dans cette prise de parole, la Mère et l’enfant font corps. La prière est unique et commune. C’est-à-dire que la créature rachetée est parfaitement unie à son Sauveur. La parole filiale adressée au Père du Ciel est unique. C’est ainsi que doit toujours être la prière des chrétiens : la prière du Christ et de l’Eglise ne font qu’une.

 

L’enfant Jésus dont la venue en ce monde n’a pas d’autre objectif que de « faire connaître le nom du Père » et de le « glorifier » (cf. Jn 17), n’est-il pas celui qui suscite et conduit de l’intérieur l’action de grâce de Marie ? N’est-il pas aussi celui qui doit former notre propre prière ? Observez bien ce que fait Marie dans sa prière ! Elle glorifie le Seigneur ! Elle met en évidence la grandeur de Dieu. Elle publie les merveilles que fait le Créateur. Elle manifeste à tous la fidélité de Dieu à sa promesse, à son Alliance. Or, n’est-ce pas là, précisément, tout ce qu’opère le Christ lui-même en ce monde ?

 

J’ai attiré votre attention sur le fait que, lors de la prière de Marie, nous ne voyons ni temple, ni prêtre, ni sacrifice sanglant, comme du temps de la mère de Samuel. Le temple, c’est-à-dire le lieu de la présence de Dieu, c’est Jésus lui-même ! Le prêtre, c’est-à-dire celui qui offre le sacrifice, c’est également Jésus ! Quant au sacrifice lui-même, n’est-il pas celui réalisé par Jésus qui vient en ce monde pour accomplir la volonté du Père ?

 

Et voyez comment Jésus entraîne Marie avec lui dans une consécration de tout son être, une vivante offrande de toute sa vie. Et cette liturgie, ce sacrifice nouveau, ne trouvent-ils pas leur achèvement, leur accomplissement dans la charité fraternelle ? Charité discrète, mais très concrète, évoquée par la mention du séjour de Marie pendant trois mois chez sa cousine Elisabeth, afin de la soutenir jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste.

 

Finalement, cette prière du Magnificat ne fait rien d’autre que d’exprimer le mouvement eucharistique dont vit l’Eglise. L’Eglise, dont Marie est la figure, porte en elle, comme Marie le trésor du Christ. L’Eglise n’existe que par et pour ce mystère intérieur. Elle s’efface pour offrir cette humble présence qui l’habite et transfigure son humanité. Elle n’a de cesse de s’unir à son Sauveur et d’entrer avec lui, par lui et en lui, dans la glorification du Père.

 

Elle n’a d’autre souci que celui de vivre de l’Amour qui unit Jésus à son Père, dans l’Esprit et de faire de la vie de chacun de ses membres une vivante offrande à Dieu. Une offrande qui se traduit dans la charité fraternelle. L’Eglise, comme la Vierge Marie ne connaît qu’un seul objectif : glorifier le Père, par le Christ, sous la motion de l’Esprit.

 

Tel est le sens de la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth : l’Eglise, comme Marie, se laisse visiter par l’Esprit Saint. A son tour, elle visite l’humanité en attente du Salut. Ce déploiement de la charité divine dans la charité fraternelle peut-être alors accueilli par l’action de l’Esprit dans l’humanité visitée, qui, à la manière d’Elisabeth, s’étonne : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »

 

Cette Visitation est comme une anticipation de ce qui se passera à la Pentecôte. A la Pentecôte, en effet, c’est l’Eglise tout entière qui porte en son sein le Christ vivant, le Christ qui répand l’Esprit Saint donné par le Père. A la Visitation, Marie personnifie et annonce l’Eglise, comblée de grâces sans aucun mérite de sa part, l’Eglise qui, à la Pentecôte, reçoit la mission de porter la Bonne Nouvelle au monde entier. L’Eglise qui reçoit la mission de proclamer les merveilles de Dieu et d’entraîner toute l’humanité dans la louange perpétuelle.

 

Le Magnificat doit devenir comme la matrice qui forme et oriente notre prière personnelle. Pour commencer, la lecture et la méditation des Saintes Ecritures doivent nourrir, façonner et inspirer la prière des chrétiens, sans pour autant nuire à la spontanéité ni à la fraîcheur. Quoi de plus beau, en effet, que la Parole reçue de Dieu, qui retourne vers lui, montant de nos cœurs et de nos lèvres, comme chez Marie ?

 

Ensuite, la vraie prière est décentrement de soi-même. Elle est un chant de louange de Dieu Créateur et Sauveur. Elle exalte la grandeur, la sainteté, la fidélité, l’amour miséricordieux du Seigneur. La véritable prière est ecclésiale et ouverte à l’universel. Elle est ouverture d’une situation individuelle à l’ensemble de l’histoire du Salut. Elle est la voix du Peuple de Dieu tout entier qui ne cesse de s’émerveiller et de rendre grâce pour l’alliance que Dieu a nouée avec l’humanité. Enfin, la vraie prière est portée par l’espérance. Elle est action de grâce pour le règne de Dieu qui est toujours en train d’advenir.

 

+ Pascal ROLAND