Ce que nous proclamons, c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ! — Diocèse de Belley-Ars

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Ce que nous proclamons, c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur !

Homélie pour l’ordination presbytérale d’Axel Albar, le dimanche 30 juin 2019 à la co-cathédrale Notre-Dame de Bourg-en-Bresse
Lectures : Isaïe 61, 1-3 ; Ps 115 ; 2 Co 4, 1-7 ; Luc 22, 14-20 + 24-30

Cher Axel, écoutez bien ! « Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus ». Cette déclaration de saint Paul aux Corinthiens, entendue dans la 2e lecture, résume fort bien le ministère auquel vous allez être ordonné dans quelques instants.

 

« Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur » Toute la vie et l’activité d’un prêtre doivent en effet être dictées et orientées par l’unique souci de proclamer Jésus-Christ. La raison d’être d’un ministre ordonné est de se mettre au service des autres et de tout mettre en œuvre pour que chacun soit en mesure de faire la rencontre personnelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité.

 

Dans l’office des lectures de ce dimanche, nous était offert l’extrait d’une très belle homélie du pape saint Paul VI qui exprime bien cette mission : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! Car c’est par lui, par le Christ lui-même, que j’ai été envoyé pour cela. Je suis apôtre, je suis témoin (…). Je dois proclamer son nom : Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. C’est lui qui nous a révélé le Dieu invisible (…). Il est le maître de l’humanité et son rédempteur (…). Il est le centre de l’histoire du monde » (homélie à Manille, 29 novembre 1970)

 

Or, nous le savons tous par expérience personnelle, la tentation est grande et nous guette constamment, de nous mettre en avant au lieu de nous effacer devant le Fils de Dieu. Il y a toujours le risque de faire écran, d’une façon ou d’une autre, au lieu de faciliter la rencontre avec le Christ Sauveur. C’est pourquoi il est besoin que l’Eglise nous le rappelle fréquemment : « Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ». Axel, ne l’oubliez jamais !

 

La liturgie de la Parole vient précisément de centrer votre attention sur Jésus. Que vous dit-elle de lui ? Pour commencer, la lecture du Prophète Isaïe nous conduit à identifier Jésus comme l’Envoyé du Père, sur qui repose l’Esprit Saint, et à le reconnaître comme celui qui a été consacré pour annoncer la Bonne Nouvelle. Toute la Tradition reconnaît en effet en la personne de Jésus le prophète d’un genre radicalement nouveau, annoncé par Isaïe. Le Christ est effectivement celui qui est envoyé par le Père pour révéler de manière nouvelle et décisive le merveilleux dessein divin, et pour réconcilier de manière définitive l’humanité égarée par le péché. 

 

Ce qui différencie Jésus de tout prophète antérieur, c’est que l’Esprit Saint repose sur lui en plénitude : « En lui, dans son propre corps, habite toute la plénitude de la divinité » écrit saint Paul aux Colossiens (2, 2). Autrement dit, en Jésus, c’est Dieu lui-même qui vient personnellement à nous. C’est pourquoi Jésus reçoit le titre de Seigneur : « Ce que nous proclamons … c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ». 
Il est ensuite souligné que le Christ vient rejoindre notre humanité blessée. Celle-ci est décrite comme une réalité de personnes prisonnières et endeuillées. Et le Christ est présenté comme un libérateur, comme celui qui vient rompre un cycle infernal en déclarant l’amnistie générale. Il est annoncé comme instituant une année de bienfait. Il rend à l’homme sa dignité perdue, en lui accordant l’habit de fête et en lui attribuant le diadème royal. Il est celui qui console et instaure la joie là où il y avait le deuil. 

 

Mais il est aussi indiqué que la Bonne Nouvelle sera accueillie par les humbles, ceux qui ont le cœur brisé. Nous pouvons repérer ici une allusion au psaume 50 : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Ps 50, 19). Autrement dit, ceux qui sont enfermés dans leur suffisance ne sont malheureusement pas disponibles et ne peuvent donc pas accueillir le Christ libérateur ! Pour accueillir le Sauveur, il faut être humble et reconnaître avoir besoin d’être sauvé ! Axel, vous qui aimez bien le saint Curé d’Ars, vous n’ignorez pas ce que prêchait Jean-Marie Vianney : « La première des vertus c’est l’humilité, la seconde, l’humilité, la troisième l’humilité » (cité par Mgr René Fourrey : Ce que prêchait le curé d’Ars, page 257).

 

Vous avez pu être surpris en entendant que le Christ est envoyé proclamer un jour de vengeance pour notre Dieu. Celui-ci n’est pas, comme certains pourraient l’imaginer spontanément, une menace de condamnation et de destruction. Mais, ainsi que le contexte nous le montre, il s’agit d’une revanche de Dieu sur les puissances des ténèbres, c’est la victoire de sa miséricorde sur le péché qui tenait l’homme captif. Car, n’oublions jamais, comme l’enseigne l’histoire de Noé, que Dieu a fait alliance avec l’humanité et il a promis de la préserver : « Le cœur de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse, mais jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait » (Genèse 8, 21). Axel, ne l’oubliez pas ! Dans l’exercice de votre ministère, vous aurez à être le témoin infatigable de cette bienveillance divine et porteur d’espérance au milieu des ténèbres, en proclamant la victoire définitive du Christ sur le péché et la mort.

 

L’évangile focalise encore davantage notre regard sur la personne de Jésus. Nous sommes situés à la dernière Cène, au moment où Jésus entre dans sa Passion. Dans ce dernier entretien avec ses Apôtres, il se définit comme serviteur : « Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». Et Jésus annonce clairement la forme ultime que prend pour lui ce service. Il annonce sans ambiguïté sa mort et il en donne le sens : « Ceci est mon corps, donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous ». Dans le même temps, nous entendons Jésus ordonner : « Faites cela en mémoire de moi ». Autrement dit il institue l’Eucharistie, comme sacrement de sa mort libératrice. Obéissant à son ordre, en célébrant l’Eucharistie, nous proclamons cette mort unique qui donne vie au monde. Ainsi cette mort offerte une fois pour toute à Jérusalem, il y a 2000 ans, demeure présente et continue d’être féconde en répandant ses bienfaits sur l’humanité toujours et partout.

 

Pour cela Jésus a aussi institué des ministres de l’Eucharistie. Les évêques, successeurs des Apôtres, et les prêtres qui les assistent célèbrent les sacrements par lesquels le Christ nous régénère constamment. Mais les évêques et les prêtres ne sont pas des fonctionnaires du sacré. Ils s’engagent pleinement dans ce qu’ils font. Agissant au nom du Christ Epoux qui se livre à son Eglise, ils s’engagent à faire de toute leur propre vie une vie donnée par amour. « Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus ».

 

Là encore, Axel, vous qui aimez bien saint Jean-Marie Vianney, souvenez-vous de ce qu’il dit des prêtres : « Le prêtre n’est pas prêtre pour lui… Il n’est pas pour lui, il est pour vous » (cité par Mgr René Fourrey : Ce que prêchait le curé d’Ars, page 85). Réfléchissez bien aux conséquences très concrètes que cela entraîne pour ceux qui sont configurés au Christ par la réception du sacrement de l’Ordre. Avoir à signifier sacramentellement la présence du Christ Bon Pasteur implique de donner à voir par toute sa vie le Christ Serviteur, le Christ qui se donne, le Christ qui aime dans un oubli de soi-même jusqu’à la mort. 

 

Jeudi, à l’occasion de la journée mondiale annuelle pour la sanctification des prêtres, j’ai invité les prêtres du diocèse à un pèlerinage à Villebois, près de Lagnieu, sur la tombe de Christian Chessel, parce que celui-ci a été récemment béatifié, avec les 18 autres martyrs d’Algérie, à Oran, le 8 décembre dernier. Entré dans la Société des Missionnaires d’Afrique (plus connue sous le vocable de Pères Blancs), Christian Chessel est ordonné prêtre en 1992. 2 ans ½ après son ordination, il est assassiné à Tizi Ouzou, en Algérie, en 1994, avec trois autres Pères Blancs. Il avait 36 ans. 

 

Ce prêtre savait sa vie en danger. Comme à ses confrères, on lui avait offert la possibilité de quitter les lieux. Mais, en fidèle disciple de Jésus et en ministre responsable, il avait librement choisi de rester auprès du peuple algérien en détresse ; pour affirmer que l’amour ne peut pas déserter et attester que l’amour ne peut pas mourir. 

 

Nous avons été édifiés et encouragés par le témoignage de ce jeune confrère, qui nous enseigne de manière très concrète que lorsque nous sommes ordonnés évêque, prêtre, ou diacre, nous sommes appelés à prendre au sérieux l’évangile qui vient d’être proclamé : « Ceci est mon corps, donné pour vous » et « Que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert ! »

 

Le témoignage de Christian Chessel nous pousse aussi à rompre avec la logique mondaine de l’efficacité. Il nous transporte résolument sur un autre registre, celui de la fécondité. Sanguis martyrum, semen christianorum : le sang des martyrs est semence de chrétiens ! Axel, gardez-vous donc bien de chercher l’efficacité immédiate ! Votre zèle apostolique et votre désir ardent de faire connaître le Christ Sauveur ; votre ambition légitime de permettre à chacun de rencontrer Jésus, qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14, 6) ne doivent pas vous faire oublier la patience que le Seigneur a eue avec vous et doivent vous conduire à respecter la liberté et le rythme de chaque personne. L’essentiel est d’ouvrir un chemin, de déclencher un processus de conversion.

 

Axel, souvenez-vous aussi qu’être ordonné prêtre, n’est lié ni à un quelconque mérite personnel ni à des qualités hors du commun. Saint Jean-Marie Vianney ne s’habituait pas à ce qu’il était et s’étonnait : « Oh ! Quand on pense que notre grand Dieu a daigné confier cela à des misérables comme nous » (cité par Mgr René Fourrey : Ce que prêchait le curé d’Ars, page 90). Nous venons aussi d’entendre que, quand il s’adresse aux Corinthiens, saint Paul indique qu’il a reçu son ministère par la miséricorde de Dieu. Il est lucide et honnête. Il n’ignore pas qu’il a été sauvé par le Christ, lui qui, au départ, persécutait les chrétiens. Il sait que ce qu’il est, il le doit uniquement à la miséricorde divine. Mais précisément, c’est parce qu’il conserve à la mémoire le salut dont il a été le bénéficiaire, qu’il peut en être un témoin privilégié. Il sait de quoi il parle quand il proclame que Jésus est le Seigneur !

 

Saint Paul n’a pas honte de sa pauvreté. Dans la mesure où il la reconnaît et l’accueille humblement, celle-ci met d’autant plus en valeur la puissance divine : « Ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. »

 

De son côté, le Père Christian Chessel avait écrit ceci : « Ce qui dicte notre attitude dans notre témoignage en Algérie c’est notre faiblesse devant Dieu. Apprendre notre impuissance et prendre conscience de la pauvreté radicale de notre être devant Dieu ne peut être qu’une invitation, qu’un appel pressant à créer avec les autres des relations de non-puissance ; ayant appris à reconnaître ma faiblesse, je peux non seulement accepter celle des autres, mais y voir un appel à la porter, à la faire mienne, à l’imitation du Christ. »

 

Axel, que l’affirmation de saint Paul devienne le fil rouge de votre vie : « Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus ». Que le désir de vivre selon cet axe dicte votre réponse dans quelques instants, quand vous aurez à répondre publiquement à cette interrogation du rituel : « Voulez-vous, de jour en jour, vous unir davantage au souverain prêtre Jésus-Christ qui s’est offert pour nous à son Père en victime sans tache, et vous consacrer à Dieu avec lui pour le salut du genre humain ? »

 

+ Pascal Roland