Le défi de la fraternité universelle — Diocèse de Belley-Ars

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Le défi de la fraternité universelle

Introduction de Mgr Roland à la série de conférences de l’automne 2016          Mercredi 5 octobre 2016

Lorsque nous observons ce qui se passe actuellement dans le monde, il est manifeste que le grand défi, incontournable, qui s’offre à nous dans les années présentes est celui de la fraternité universelle. Tous les hommes de sagesse et de bonne volonté sont d’accord sur cette priorité. Le philosophe musulman Abdennour Bidar écrivait, dans son Plaidoyer pour la Fraternité, suite aux attentats de janvier 2015 à Paris, que ceux-ci nous rassemblaient de façon instinctive contre le fanatisme en nous faisant prendre conscience qu’il fallait maintenant changer d’ère : passer du « choc des civilisations » à la fraternité des cultures, du choc des indifférences à la fraternité des cœurs (page 16).

 

Nous avons en effet de plus en plus conscience de vivre dans le monde comme dans une maison commune où chacun doit pouvoir trouver sa place. Il est fini le temps où l’on pouvait vivre tranquillement dans son canton en ignorant ce qui se passait à l’autre bout du pays et a fortiori à l’autre bout du monde ! Nous expérimentons chaque jour combien nous sommes dépendants les uns des autres pour la nourriture, pour l’énergie, pour la santé publique, pour la fourniture de biens de consommation et nous mesurons aussi davantage combien les équilibres sont fragiles.

 

Les vastes mouvements de populations qui se déplacent vers l’Europe, pour des raisons d’insécurité dans leur pays d’origine, mais aussi, de plus en plus, pour des motifs économiques ou sanitaires, sont révélateurs des inégalités profondes qui règnent et des compréhensibles et légitimes aspirations des plus pauvres à trouver de meilleures conditions de vie.

 

Malheureusement, en ce monde marqué par le péché, la soif de pouvoir et le désir d’accaparement de biens matériels suscitent toujours des injustices et des actions violentes en de nombreux endroits du globe. Depuis un certain temps, force est de constater que nous sommes impliqués, malgré nous, dans ce que le pape François nomme la 3° guerre mondiale par morceaux.

 

Les attentats meurtriers, qui font malheureusement le quotidien de beaucoup de pays, surviennent maintenant sur notre territoire. Nous savons qu’à tout moment et dans les lieux les plus improbables des actions violentes peuvent être menées par des terroristes qui tueront froidement et aveuglement des personnes innocentes.

 

Ceux qui mènent ces combats se réclament de l’Etat islamique. Ils font référence au Coran et à une tradition musulmane pour justifier leurs actions. Cela sème la confusion dans les esprits en même temps que la peur. De ce fait, les relations entre les musulmans et les non-musulmans, notamment les catholiques, sont de plus en plus tendues. La méfiance réciproque tend à paralyser les relations. Des clichés les plus divers circulent. Un certain nombre de courants politiques instrumentalisent la situation.

 

Il est capital de prendre conscience qu’en France nous avons généralement du mal à vivre sereinement la relation avec les musulmans, parce que les musulmans qui vivent sur le sol français sont d’abord venus des pays d’Afrique du Nord. Or nous sommes porteurs d’une mémoire difficile de notre histoire avec l’Algérie. Nous sommes parasités par une culpabilité collective dans notre relation aux personnes venues de cette région.

 

Par ailleurs, notre société occidentale n’est plus assez consciente de tout ce qu’elle doit au christianisme dans ce qu’elle a de meilleur. Nous baignons dans un courant idéologique qui avait annoncé la fin de la religion et qui se trouve démenti par l’affirmation forte de l’islam mais aussi par une adhésion importante à la foi chrétienne dans les générations qui montent.

 

Nos gouvernants français, de tous bords politiques, qui ont largement nié les racines chrétiennes de notre pays, sont nombreux à prôner une laïcité d’exclusion et non pas une laïcité de liberté et de dialogue. Ils ne sont donc pas préparés à gérer la situation et se trompent fréquemment sur les réponses à apporter.

 

Dans ce contexte difficile, nous voyons des approches réductrices qui conduisent aux prises de position les plus diverses, y compris chez ceux qui se réclament de la foi chrétienne : depuis l’irénisme inconscient et le syncrétisme, jusqu’aux simplismes binaires et aux attitudes violentes.

 

Tous ces comportements révèlent un grave déficit de raison et souvent aussi d’espérance. Il est donc urgent de prendre un peu de recul et de se donner les moyens de réfléchir avec sérieux, loin de la pensée unique, de la culture de l’affrontement, comme des emballements passionnels.

 

Cette approche doit prendre en compte la complexité du réel et de l’infinie diversité des situations concrètes : on n’est pas musulman de la même manière en France, en Afrique du Nord, en Afrique Noire, au Proche Orient ou en Asie !

 

Elle doit également faire droit aux exigences de la rigueur et de la raison, sans crainte d’aborder les questions susceptibles de déranger notre manière spontanée ou habituelle de voir les choses. 

 

Dans ce travail d’intelligence, les chrétiens ont un témoignage spécifique à apporter, car nous devons nous souvenir que la foi chrétienne a le dialogue pour vocation. Etant nés d’un Dieu en qui il y a dialogue puisqu’il est Trine ; étant créés à l’image et à la ressemblance de ce Dieu Trine, nous sommes constitués pour l’altérité, la rencontre et le dialogue. C’est en quelque sorte notre ADN ! D’ailleurs il est aisé de repérer que lorsque des chrétiens catholiques prennent une initiative, ils sont capables de réunir ensemble des humains aux appartenances les plus diverses. Il suffit de citer le rassemblement d’Assise, initié par le pape Jean-Paul II, pour en donner une illustration. 

 

Je vous invite à relire et méditer ce qu’écrivait le pape Paul VI dans sa belle Encyclique Ecclesiam suam, en 1964 : L’Eglise doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Eglise se fait parole ; l’Eglise se fait message ; l’Eglise se fait conversation (n° 67).

 

Le dialogue ne saurait se cantonner à des propos lénifiants ou insignifiants. Il ne faut pas avoir peur d’aborder les questions difficiles ! Cela suppose de bien savoir qui nous sommes et implique de chercher à comprendre l’autre. C’est-à-dire que cela exige de chercher ensemble la vérité.

 

C’est dans cet esprit que j’ai organisé une série de six conférences. J’ai fait appel à des intervenants qui sont compétents. D’une part pour avoir vécu dans des pays musulmans. D’autre part pour avoir travaillé sérieusement la question au plan universitaire. Je n’ai pas craint de solliciter des personnes qui osent tenir un discours qui dérange. Nous ne sommes pas forcés de les suivre dans toutes leurs conclusions mais nous ne pouvons pas faire l’économie de l’écoute attentive du fruit de leur travail et de leur réflexion.

 

Avec eux nous chercherons à comprendre ce qui se passe et à répondre à la question pertinente posée par le philosophe musulman Abdennour BIDAR (Lettre ouverte au monde musulman, janvier 2015) : Cher monde musulman, je te vois en train d’enfanter un monstre qui prétend se nommer Etat islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : Daesh. Et cela m’inspire une question, LA grande question : pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? Ce problème est celui des racines du mal. Car ce monstre en réalité est sorti de tes propres entrailles, et il n’est que le symptôme le plus radical de ta propre crise de civilisation. Crise d’une religion incapable de se régénérer, crise d’une culture qui éprouve toutes les peines du monde à se défaire des liens de cette religion qui l’étrangle. Et en face de toi, l’Occident connaît une étrange crise en miroir : lui, c‘est au contraire une déliaison généralisée qui le frappe, une rupture de tant de liens – à commencer par celui qui peut relier l’existence humaine à une signification sacrée ! » (4° de couverture)

 

Pour commencer j’ai fait appel à M. Marc FROMAGER, qui interviendra sur le thème : Vers un nouveau Moyen-Orient la fin des chrétiens ?  Né en 1968, Marc Fromager est le directeur de l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED) en France. Il a vécu une vingtaine d’années à l’étranger et travaille pour l’Eglise depuis 24 ans. Rédacteur en chef de la revue l’Eglise dans le monde, auteur de nombreux articles sur les chrétiens persécutés, il est également chroniqueur sur plusieurs radios chrétiennes et conférencier. Il a publié en 2015 : Guerres, pétrole et radicalisme - les Chrétiens d’Orient pris en étau (Editions Salvator).

 

+ Pascal ROLAND